Toronto 2015 : OUR BRAND IS CRISIS / Critique

12-09-2015 - 17:01 - Par

Toronto 2015 : OUR BRAND IS CRISIS / Critique

David Gordon Green signe une comédie politique qui, en se penchant sur le storytelling politique, s’avère souvent plus mordante qu’il n’y paraît.

En 2005, Rachel Boynton réalisait le documentaire OUR BRAND IS CRISIS, ou l’histoire d’une campagne électorale en Amérique du Sud, dans laquelle s’affrontaient des stratégistes politiques américains. Dix ans plus tard, David Gordon Green et la société de production de George Clooney s’emparent du docu et de son titre pour conter une histoire similaire, mais avec des personnages fictifs. Jane Bodine (Sandra Bullock), ancienne directrice de campagne star, s’est retirée depuis plusieurs années après un échec cuisant. On la rappelle pour lui proposer de diriger la campagne d’un candidat à l’élection présidentielle bolivienne, Pedro Gallo (Joaquim de Almeida). Froid et peu populaire, il a peu de chances de gagner. C’est sans compter Jane, ses tactiques, et son envie d’en découdre avec son ennemi de toujours, Pat Candy (Billy Bob Thornton), qui dirige la campagne du candidat favori des sondages. Avec son personnage central excentrique, OUR BRAND IS CRISIS s’affiche comme une satire rigolote et fofolle dont les saillies humoristiques tombent la plupart du temps dans le mille – notamment grâce à la performance nerveuse et décalée de Bullock, mais aussi celles, impeccables, de Scoot McNairy et Zoe Kazan. Mais peu à peu, OUR BRAND IS CRISIS se révèle plus mordant, plus sombre aussi, et au final, des plus pertinents. Avec patience, le script de Peter Straughan brosse le portrait de personnages ne soutenant pas un candidat ou des idées, mais cherchant à satisfaire un simple client. Manipulant les esprits, les stratégistes vendent un concept pour remporter une élection : ici, ils vendent une crise, ils markettent la peur. Avec le sourire narquois, OUR BRAND IS CRISIS rappelle que le monde appartient à cette poignée de gens qui dictent l’humeur du monde pour le profit de quelques privilégiés. Très dur et frontal sur le cynisme condescendant de cet univers et sur les conséquences du storytelling politique, OUR BRAND IS CRISIS fait passer la pilule en n’abandonnant jamais ses atours de comédie légère. Le film ne dérive ainsi jamais vers une agressivité trop visible, mais se permet tout de même de ‘salir’ tous ses personnages, y compris son héroïne. Les coups bas se multiplient, ainsi que les vannes comme autant de dialogues sentencieux (« Je sais bien que personne ne croira cette rumeur. Je veux juste le voir la démentir », dit Bodine) et, en creux, OUR BRAND IS CRISIS rappelle toute l’influence néfaste qu’ont eue (et qu’ont toujours) les États-Unis sur l’Amérique du Sud. Le dernier acte, qui transforme une histoire de revanche un peu crasse en prise de conscience, se révèle malheureusement trop inégal, voire bancal. Bizarrement, alors que le film parvient à confronter Bodine à ses responsabilités quand elle tente de s’en départir, un certain angélisme se fait finalement jour. On y décèle bien sûr l’élan romanesque du réalisateur, voire une certaine utopie défendue par le producteur George Clooney. Mais, trop maladroite, cette conclusion risque bien d’aliéner ceux qui avaient apprécié dans OUR BRAND IS CRISIS son mordant un peu punk.

De David Gordon Green. Avec Sandra Bullock, Anthony Mackie, Joaquim de Almeida, Billy Bob Thornton. États-Unis. 1h48. Prochainement

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