THE PROGRAM : chronique

16-09-2015 - 10:00 - Par

THE PROGRAM : chronique

Lance Armstrong par Stephen Frears ou comment une société fondée sur l’image transforme les corps en monstres. Passionnant et effrayant.

Program-PosterAu beau milieu de THE PROGRAM, le journaliste britannique David Walsh – campé par un Chris O’Dowd parfait, comme à son habitude – lance à ses collègues que si Lance Armstrong se révélait être un tricheur, « le monde serait un gros tas de merde ». Une réplique qui, à la lumière de ce que le public sait désormais du cycliste et de sa carrière, fait du nouveau film de Stephen Frears un constat acéré et déprimant sur le monde et la manière dont il choisit ses héros. Car au cœur du parcours d’Armstrong réside un paradoxe passionnant : comment une figure néfaste rongée par le mensonge a pu inspirer autant d’espoir et de courage chez le commun des mortels. Ce fossé entre fiction et réalité, entre storytelling et Histoire fait de THE PROGRAM un film redoutablement maîtrisé, dense et souvent passionnant, bien qu’assez linéaire dans sa narration. Après avoir ancré le récit dans un certain didactisme – avec ses cartons à répétition et ses quelques séquences surlignées, le premier quart d’heure se révèle même assez bancal dans son évidence –, THE PROGRAM affiche rapidement l’ambition d’être plus pernicieux et audacieux. Porté par l’interprétation cauchemardesque de Ben Foster – dont les traits lissés par le maquillage en font une sorte de mannequin de cire – et celle affligée d’un Jesse Plemons au visage buriné par les épreuves au point d’en devenir irréel, Frears oppose à des héroïques séquences de cyclisme mises en image avec exaltation des scènes de vie quotidienne franchement repoussantes et étouffantes. Multipliant les non-dits – notamment sur le lien entre le dopage et le cancer des testicules d’Armstrong –, THE PROGRAM installe non pas un suspense sur la personnalité du sportif, ses intentions ou sa malhonnêteté mais sur sa nature de freak. Profondément charnel, le film institue un rapport de force malsain et sournois avec le spectateur, le confronte à la transformation contre-nature des corps, le saisit au col pour lui donner la nausée. Peu à peu, le manipulateur Armstrong se fait jour, celui capable d’imposer une pression écrasante sur autrui, de créer la peur en agitant son pouvoir. THE PROGRAM baigne alors dans une atmosphère de thriller poisseux. Scène après scène, Frears dévoile aussi le fameux « programme », si glauque et monstrueux qu’il tire alors THE PROGRAM vers le film d’horreur. Thriller, horreur : une plongée dans les genres qui fait de ce biopic bien plus que l’étude d’une personnalité mais bien l’analyse d’un monde grotesque dont les mythes – et surtout les plus parfaits – ne sont que de vulgaires masques, de pures images préfabriquées.

De Stephen Frears. Avec Ben Foster, Chris O’Dowd, Jesse Plemons. Royaume-Uni/France. 1h44. Sortie le 16 septembre

4Etoiles

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.