Toronto 2015 : HOMESICK / Critique

10-09-2015 - 18:37 - Par

Toronto 2015 : HOMESICK / Critique

Un fin portrait de femme, roide, mélancolique et sans concession, qui aurait sans doute pu se passer de ses attributs « choc ».

En thérapie, Charlotte semble en colère : face à sa psy, elle semble bien décidée à faire payer à la Terre entière ses états d’âme. À sa mère absente, à son père alcoolique, à un demi-frère qu’elle n’a jamais rencontré. Cette première séquence de HOMESICK établit avec grand talent le personnage principal du film, dont la cinéaste norvégienne Anne Sewitsky va lentement décortiquer la psyché. Avec une certaine roideur – une photographie froide et grise, des décors monochromes –, Sewitsky établit un univers presque dénué de vie, d’espoir ou de chaleur et le contrebalance avec un élan sentimental et exalté qui représente les ambitions existentielles de Charlotte – via des scènes de danse, de musique, de partage entre amis. Une certaine recherche de la joie qui, à première vue, donne une image positive de la jeune femme. Mais Sewitsky, tout à une exposition des plus denses et prenantes, va vite brouiller les cartes. Sans grande originalité mais avec une grande finesse d’écriture, elle s’attaque aux secrets fielleux, aux mensonges et aux non-dits qui rongent les familles. Aux tensions et rancœurs sur lesquelles se bâtissent des relations vouées à l’échec ou à l’implosion. Dans cette mécanique se déploie l’audace de la cinéaste : à aucun moment elle ne tente de rendre Charlotte plus sympathique qu’elle ne l’est. Si l’interprétation d’Ine Wilmann suscite l’empathie du spectateur, il n’en demeure pas moins que la jeune femme, égocentrique, possessive et égoïste, apparaît comme un vampire émotionnel ou psychologique, qui « pompe l’énergie » des autres, « s’impose tout le temps à tout le monde » et ne parvient jamais à trouver sa place au sein de ses proches. C’est sans aucun doute dans la finesse et dans la délicatesse de cette étude de caractère que HOMESICK trouve toute sa force. Pourtant, le cœur même du film, la relation incestueuse que noue Charlotte avec son demi-frère Henrik va finir par affaiblir la puissance de l’ensemble. Pas sûr, en effet, que cet inceste soit au final utile à la dramaturgie : ainsi se demande-t-on à plusieurs reprises si les choses n’auraient pas été les mêmes si Henrik avait été un homme lambda ou si la rencontre de la sœur et de son frère était restée platonique. Au centre de ce questionnement, la plus belle scène de HOMESICK : sur une chanson de Bon Iver, Charlotte et Henrik apprennent à se connaître. Leur premier fou rire, pur et sincère, illumine la séquence et il est évident que cette rencontre sera bouleversante et cruciale. Sewitsky avait-elle besoin de franchir le pas et de multiplier ensuite les scènes de sexe assez graphiques ? Pas sûr. Car au final, l’inceste ne semble pas le propos de HOMESICK.

De Anne Sewitsky. Avec Ine Wilmann, Simon J. Berger, Silje Storstein. Norvège. 1h42. Prochainement

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.