Toronto 2015 : ROOM / Critique

15-09-2015 - 09:34 - Par

Toronto 2015 : ROOM / Critique

Un sujet difficile, un traitement subtil et des émotions viscérales : Lenny Abrahamson signe son meilleur film depuis GARAGE.

Jack fête ses cinq ans. Dans sa vie, il n’y a que sa mère Joy qui compte et pour cause : depuis qu’il est né, il vit avec elle dans la même petite pièce de moins de dix mètres carré. Tous les soirs, Joy reçoit la visite du Vieux Nick. Depuis toujours, elle cache la vérité à Jack sur le sens de leur existence. Avec ROOM, Lenny Abrahamson aborde un sujet non seulement sombre et dérangeant, mais aussi profondément risqué à étaler sur grand écran : la longue séquestration d’une jeune femme et de son fils, rappelant ainsi des faits divers sinistres – citons notamment le cas de Natascha Kampusch. On avait l’espoir que le cinéaste irlandais parvienne à conserver son tact habituel et, au final, il accomplit bien plus : il transcende son sujet. Oui, ROOM regarde frontalement l’isolement, l’aliénation, la frustration de Joy et de Jack. Avec minutie et humanité, il décortique aussi le sordide sans tomber dans la manipulation émotionnelle ou le voyeurisme. Ici est bien à l’œuvre le cinéaste qui, dans le bouleversant GARAGE, avait étudié sans condescendance ni débordement le destin tragique d’un prétendu « idiot du village ». Mais ROOM s’avère au final bien plus que la chronique d’un calvaire. Abrahamson débute le film par de fugaces très gros plans sur des objets banals de la ‘pièce’ où vivent Jack et Joy. Là, par l’étude de gestes du quotidien qui apparaissent presque incongrus en pareille circonstance – la confection d’un gâteau d’anniversaire, par exemple –, Abrahamson sonde la relation fusionnelle qui unit Jack à sa mère. Il analyse par petites touches comment chaque jour, chaque seconde, Joy sauve Jack de cet enfer et parvient à le protéger. Comment Jack donne à Joy une raison de vivre et survivre. À l’écran, en dépit de la tragédie et de l’horreur qui se jouent, ROOM va en fait dresser le portrait d’un espoir, d’une résilience, d’une volonté indéfectible de surmonter les assauts du destin. Sur de simples silences, Abrahamson bâtit des montagnes. Et, grâce à l’excellent score de Stephen Rennicks, il ouvre la porte à de profondes émotions. Il n’élude aucune difficulté, aucun nœud dramatique et le scénario d’Emma Donoghue, qui adapte elle-même son roman éponyme, dissèque avec exhaustivité et précision l’état mental et émotionnel des personnages. Le plus remarquable ? Que ROOM parvienne à éviter toute sur dramatisation. Dans ses envolées, il conserve encore sa justesse et sa tenue. Sans doute parce qu’il peut compter sur les performances absolument époustouflantes de naturalisme de Brie Larson et Jacob Tremblay. Même enfermés dans quelques mètres carrés, leurs regards contiennent un monde.

De Lenny Abrahamson. Avec Brie Larson, Jacob Tremblay, Joan Allen. Irlande/Canada. 1h58. Prochainement

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