Toronto 2015 : EYE IN THE SKY / Critique

16-09-2015 - 04:32 - Par

Toronto 2015 : EYE IN THE SKY / Critique

Bien que parfois trop chargé en chantage émotionnel, EYE IN THE SKY s’en sort plutôt bien dans sa peinture de la guerre des drones.

Voilà quelques mois sortait GOOD KILL d’Andrew Niccol – ou la vie d’un ancien pilote de chasse devenu pilote de drones pour l’armée américaine. Sur le même sujet de la guerre à distance, voici venir aujourd’hui EYE IN THE SKY du réalisateur sud-africain Gavin Hood. Contrairement à Niccol, Hood prend le parti de ne s’intéresser qu’à une seule mission – au Kenya, des terroristes notoires sont repérés dans une maison et les armées anglaise et américaine s’associent pour les arrêter. Mais la présence d’une enfant dans les environs va tout remettre en question. Le choix de circonscrire ainsi le récit du film s’avère payant : il permet à Gavin Hood d’inscrire EYE IN THE SKY dans une certaine tension de la première à la dernière scène et de se concentrer sur l’instant, sur l’acte militaire et la prise de décision, donnant l’occasion au film de développer un vrai regard sur son sujet. Par petites touches, il avance ses pions, décrit ces pilotes américains, des gamins de la campagne qui s’engagent pour avoir « quatre ans de boulot garantis ». Mais au-delà de ceux chargés d’appuyer sur la détente, EYE IN THE SKY livre un portrait sans concession de ceux censés prendre la décision. C’est dans cette « ronde des salles de contrôle » que le film se fait le plus incisif. Hood met en scène avec un certain talent l’hypocrisie et le cynisme qui sous-tendent la guerre des drones, les frontières troubles entre légalité et illégalité. Si bien que, dans son portrait de ces militaires et de ces ministres qui ne parviennent à se décider et à assumer leurs responsabilités, EYE IN THE SKY se fait comédie satirique. Tout le monde a son avis mais personne n’a le courage de l’imposer, on se renvoie la balle, on se réfère au chaînon supérieur, les Américains méprisent la couardise des Anglais, les Anglais le bellicisme des Américains. Un ping-pong militaire ridicule – et parfois très drôle grâce à la performance blasée d’Alan Rickman – qui démontre toute l’absurdité de cette guerre prétendument dématérialisée. Sans grand discours, EYE IN THE SKY rappelle ainsi que, si la guerre est déjà coûteuse moralement et humainement, celle où l’on refuse de se mettre en danger sur le terrain pour affronter l’ennemi est tout simplement intolérable. Dommage que le film ne parvienne pas à garder cette tenue et que, dans son dernier tiers, il démultiplie le suspense de manière franchement dérangeante voire grotesque. On comprend bien l’intention initiale mais ce chantage émotionnel joue contre le film, qui tombe alors dans le convenu et l’attendu, là où il était auparavant parvenu à surpasser les attentes.

De Gavin Hood. Avec Helen Mirren, Aaron Paul, Alan Rickman. Royaume-Uni. 1h42. Prochainement

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