Toronto 2015 : TRUMBO / Critique

17-09-2015 - 13:21 - Par

Toronto 2015 : TRUMBO / Critique

De très bons dialogues interprétés par d’excellents acteurs sauvent ce biopic bien trop sage et générique du célèbre scénariste Dalton Trumbo.

« On n’a pas inventé influence plus puissante que les films », entend-on dans TRUMBO. En conséquence, le cinéma a souvent été la cible des modérateurs (au mieux) ou des censeurs (au pire). Après avoir muselé ce dont les scénaristes pouvaient parler et les réalisateurs filmer via le Code Hayes, Hollywood a franchi le Rubicon dans les années 40 en instituant le délit d’opinion, sous la pression de quelques patriotes zélés – dont John Wayne et la Motion Picture Alliance for the Preservation of American Ideals, dont il était président. Plus largement, être communiste n’était tout bonnement plus possible dans l’Amérique de la Guerre Froide, sous peine d’être mis au ban de la société. À Hollywood, parmi les talents accusés de contaminer l’Amérique de l’intérieur, Dalton Trumbo. Scénariste révéré (UN NOMMÉ JOE, QUELS SERONT LES CINQ ?) et défenseur de la cause des techniciens – il participa à plusieurs manifestations –, il fut un communiste fervent. Soixante-dix ans après, TRUMBO de Jay Roach revient sur le destin de l’auteur qui, avant d’être jeté en prison pour « attitude méprisante à l’égard du Congrès », devint le scénariste le plus payé au monde via son contrat d’exclusivité avec MGM. Brillamment interprété par Bryan Cranston, Trumbo revit ici devant une caméra bien sage. Sans réel souci de mise en scène ou de style, Roach déroule un biopic sans esthétique, sans parti-pris visuel, assez plat et générique. Cette banalité est d’autant plus dommageable que le film ne démérite pas par ailleurs. Bryan Cranston et ses partenaires – Helen Mirren, Alan Tudyk, Michael Stuhlbarg, Louis C.K. ou encore John Goodman, incroyable en Frank King, pape de la production Z – mettent ainsi en bouche des dialogues souvent remarquables. Tantôt malins, tantôt hilarants, ils donnent à TRUMBO les airs d’un film jazz, totalement libre et enjoué, perpétuellement dans l’effusion. Fleurissent aussi quelques idées intéressantes (un riche peut-il décemment avoir une pensée politique radicale ?) ou poignantes (« Il n’y avait ni héros, ni vilains, juste des victimes », dira Dalton Trumbo), mais malheureusement trop peu creusées. Surtout, bien que TRUMBO ait un point de vue bien défini – la lutte du scénariste pour sa liberté de penser –, on regrettera qu’il s’intéresse trop à l’homme et peu à l’artiste. Du moins, pas au-delà du folklore. Certes, Jay Roach recrée quelques scènes de films mythiques écrits par Trumbo, souvent de manière convaincante, ou fait de ses travaux les plus connus (VACANCES ROMAINES, SPARTACUS, EXODUS, LES CLAMEURS SE SONT TUES) des points centraux de l’intrigue. Mais jamais ne cherche-t-il à s’intéresser un tant soit peu à l’artiste, à ce qui le caractérise en tant que scénariste. Jamais TRUMBO n’essaie-t-il, ne serait-ce que superficiellement, de parler de création artistique. Un comble pour le biopic de l’un des plus grands auteurs qu’Hollywood ait connu.

De Jay Roach. Avec Bryan Cranston, Diane Lane, Elle Fanning. États-Unis. 2h04. Prochainement

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