THE VISIT : chronique

07-10-2015 - 11:02 - Par

THE VISIT : chronique

Avec le très méta THE VISIT, M. Night Shyamalan réfléchit sur son cinéma et celui de son époque. Un retour en forme passionnant.

Visit-PosterUn film peut-il être plus intéressant pour ce qu’il dit que pour ce qu’il raconte? THE VISIT tendrait à le prouver. Car avec ce thriller d’épouvante à tout petit budget, M. Night Shyamalan ne file pas une méningite avec un scénario trop alambiqué ou une audace narrative folle. Becca et Tyler (excellents Olivia DeJonge et Ed Oxenbould), adolescents, sont envoyés par leur mère chez leurs grands-parents pour une semaine de vacances. Ils ne les ont jamais rencontrés – la faute à une dispute retentissante entre ceux-ci et leur fille. Becca, apprentie cinéaste, compte bien immortaliser ce moment crucial de l’histoire familiale en réalisant un documentaire. Sur place, le comportement de sa mamie s’avère effrayant. Surtout la nuit. La situation va vite dégénérer. À bien des égards, tout est ici assez simple et balisé, voire déjà vu. Seule demeure une véritable belle idée: faire de la vieillesse le concept le plus incongru, irréel et flippant qui soit. De ce postulat, Shyamalan, armé de sa mise en scène pensée au millimètre, de ses compositions redoutablement précises et de quelques plans franchement géniaux, va tirer quelques très intenses moments d’effroi –la partie de cache-cache dans les fondations de la maison, par exemple. L’histoire de Becca et Tyler – ados appréhendant leur héritage familial et apprenant à se forger une identité propre–, bien que linéaire et simple, accroche. La preuve que Shyamalan n’a pas perdu ce talent de conteur dont il avait brillamment fait preuve sur SIXIÈME SENS, INCASSABLE ou SIGNES. Pourtant, ce joli retour en forme, assez humble et discret, s’avère presque anecdotique comparé à ce que Shyamalan fait de THE VISIT : un commentaire acerbe sur un cinéma contemporain contaminé par l’esthétique de la télé-réalité et les poncifs du found footage. Il dresse alors le portrait d’une époque où « tout le monde se fout des standards cinématographiques ». Tout le monde ou presque: le cinéaste tente, pour sa part, de s’inscrire dans la lignée des Robert Wise (LA MAISON DU DIABLE) ou Jack Clayton (LES INNOCENTS) en visant un sentiment horrifique fondé sur l’esthétique. THE VISIT affiche ainsi une grande tristesse et une grande colère quant à la déliquescence d’un certain cinéma. Ici, la caméra corrompt tout, empêche toute émotion naturelle. Et Shyamalan d’abdiquer, mais avec ironie et sarcasmes. C’est bien toute la force de THE VISIT : s’aligner à son époque mais batailler contre elle dans chaque plan. On ne peut qu’y voir l’autoportrait d’un cinéaste sans doute trop esthète et trop précieux pour s’épanouir pleinement dans l’industrie hollywoodienne actuelle.

De M. Night Shyamalan. Avec Olivia DeJonge, Ed Oxenbould, Deanna Dunagan. États-Unis. 1h34. Sortie le 7 octobre

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