PAN : chronique

20-10-2015 - 16:48 - Par

PAN : chronique

Au-delà des ambitions mal placées d’Hollywood à tout rebooter, remaker, passer à la moulinette du prequel et du sequel, PAN est un film qui a du merveilleux à revendre et déborde de générosité.

Pan-PosterLes réalisateurs les plus intéressants sont souvent ceux qui ne savent pas se tenir. Il faut toujours qu’ils en fassent des caisses, ils n’ont jamais peur du mauvais goût, ils tentent, expérimentent, ne s’excusent jamais. Sans eux, les films seraient propres et de bon ton. Alors que ses longs-métrages sont de plus en plus radicaux dans ce qu’ils proposent, Joe Wright pense que cette manière par trop entière de faire du cinéma conquerra le public car elle est généreuse quand en fait, elle divise. Ainsi, PAN puise ses influences autant dans le cinéma de George Miller et notamment la franchise MAD MAX, que dans STAR WARS ou chez Spielberg, père d’INDIANA JONES. Aussi, il fait cohabiter l’outil numérique le plus sophistiqué, les fonds verts les plus élémentaires et les décors fabriqués en dur donnant un petit goût artificial au look de son PAN (c’est un vrai film de studio). Il crée un méchant vraiment très méchant, aux perruques improbables et aux costumes de samouraïs, comme si Vivienne Westwood avait piraté Kurosawa. Sa scène inaugurale – dans laquelle la maman de Peter, jouée en express par la comédienne Amanda Seyfried, abandonne son fils sur les marches d’un orphelinat – a les codes du film noir. Puis la suite prend les atours d’une histoire de Dickens qui aurait été chorégraphiée par un fana du West End, dans laquelle un fantastique fait de cordes et d’acrobaties s’immiscerait dans le socioréalisme le plus anglais qui soit. Enfin, lorsque PAN prend son envol vers le Pays Imaginaire, la mise en scène devient encore plus audacieuse, et la caméra, désorientée, se fait encore plus joyeuse. L’animation tente même des incartades. À l’instar de ce qu’il avait établi pour son précédent ANNA KARENINE – une abolition de la logique géographique –, Joe Wright s’affranchit des règles du réalisme et va plus piocher du côté du ludisme de Robert Stevenson (MARY POPPINS, 1964 ; L’APPRENTIE SORCIÈRE, 1971) que de toutes les adaptations plus traditionnelles du « Peter Pan » de J.M. Barrie. Il emprunte aussi aux films pour enfants des 60’s leur manière d’aborder des thèmes affreux avec une douceur aussi rassurante pour les enfants qu’anxiogène pour les adultes. Dans PAN, c’est la mort, partout, tout le temps, mais avec le sourire. Le metteur en scène a créé PAN comme l’œuvre issue de l’imagination d’un enfant : les héros sont parfois mal assortis, la tribu indigène de Neverland n’a pas d’origine précise, tout est ultracoloré, comme colorié au feutre avec une envie de beau très immature. Joe Wright sacrifie le bon goût sur l’autel du merveilleux. Est-ce un film parfait ? Loin de là. Mais PAN est une proposition comme on n’en a jamais : celle de retomber dans l’univers de désordre de l’enfance, un univers si libre qu’on n’a aucune envie de grandir.

De Joe Wright. Avec Levi Miller, Hugh Jackman, Rooney Mara. États-Unis. 1h51. Sortie le 21 octobre

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