THE LOBSTER : chronique

28-10-2015 - 11:04 - Par

THE LOBSTER : chronique

Dans un futur pas si futuriste, les célibataires sont transformés en animaux. Le Grec Yorgos Lanthimos se paie l’amour.

Lobster-PosterAdepte d’un cinéma, pas tant radical que mal-aimable,Yorgos Lanthimos a frappé un grand coup sur la Croisette avec THE LOBSTER. Si déjà, en 2010, son CANINE avait secoué Un Certain Regard, on a été enchantés et bluffés que son entrée dans la compétition se fasse avec ce film étrange, jusqu’au- boutiste et étrangement accessible. THE LOBSTER est un film d’horreur sur le sentiment amoureux aussi hilarant qu’angoissant. Au-delà de son pitch taré, extrêmement bien tenu, le film construit un univers froid, réglé, où le sentiment n’est plus quelque chose qui transcende mais bien qui se contrôle et s’organise. À l’heure de Tinder et de Meetic, difficile de ne pas voir la portée sarcastique d’un film qui décrit le totalitarisme amoureux et l’obligation du couple. Si l’on ricane un temps devant cet hôtel étrange où l’on vous apprend « qu’être deux c’est toujours mieux », le film saisit aussi très bien l’angoisse du solitaire dans un monde qui fonctionne par paire. Des rangées de tables unitaires face à des couples qui roucoulent, la gaucherie d’un thé dansant où l’on cherche à être aimé, la juxtaposition des chambres d’hôtel au lit single, Lanthimos distille graphiquement une peur sourde que la menace de la transformation finale renforce. C’est étrange, absurde évidemment, mais sacrément séduisant et efficace. Le film réussit à rendre compte de la violence quotidienne que produit une société où l’Amour est un Idéal nécessaire. Mais le réalisateur a l’intelligence d’aller un peu plus loin, quitte même à prendre le risque de sortir de la zone de confort que la première partie brillante de son film lui offrait. Tandis que son personnage s’échappe, le film s’amuse à prendre le contrepoint, c’est-à-dire à interroger la haine du couple. On pourrait trouver ça facile, d’annuler ainsi les points de vue. Pas si simple ! La seconde partie, certes plus faible, réussit à dépasser la dimension totalitariste et dystopique du film pour creuser plus profondément encore dans les recoins sombres du sentiment. Don de soi, espoir, mensonge, cruauté, THE LOBSTER interroge la relation à l’autre en montrant que tout tient d’un engagement compliqué et peut-être éphémère. La love story qui naît dans ce milieu hostile en devient doucement émouvante. Comme si ces célibataires résignés (résurrection totale de Colin Farrell, bluffant en héros sans qualité) s’offraient un dernier tour de piste, en faisant semblant d’y croire à nouveau. La force du film tient finalement dans son étrange acuité, dans sa manière de transformer les blessures narcissiques amoureuses en un univers cinématographique retors et entêtant.

De Yorgos Lanthimos. Avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Ben Whishaw. Grèce/Grande-Bretagne. 1h58. Sortie le 28 octobre

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