LE VOYAGE D’ARLO : chronique

25-11-2015 - 11:01 - Par

LE VOYAGE D’ARLO : chronique

Une narration simple pour des thématiques complexes et passionnantes, une mise en scène remarquable et des émotions dévastatrices : ARLO est tout simplement superbe.

Arlo-PosterIl y a 65 millions d’années, l’astéroïde qui aurait dû anéantir les dinosaures passe finalement à quelques encablures de la Terre. Quelques millions d’années plus tard, un couple d’apatosaures agriculteurs donne naissance à trois enfants : Buck, Libby et Arlo. Ce dernier, plus pataud, rêveur et maladroit que ses aînés, peine à trouver sa place dans le quotidien de la famille, à « laisser sa marque ». Un jour, son indécision entraîne un drame. Arlo va bientôt se retrouver seul dans la nature, à devoir survivre, confronté à ses peurs. Jusqu’à ce qu’il croise la route d’un garçon sauvage, Spot…

« Tu dois surmonter ta peur pour voir la beauté de tout ce qu’il y a derrière », dit Poppa Henry à son fils Arlo. On imagine que le réalisateur Peter Sohn s’est profondément identifié à cette réplique, lui qui signe ici son premier long-métrage et qui a dû, en deux ans à peine, reformater entièrement un film qui, pendant trois ans dans les mains d’un autre réalisateur, avait peiné à aboutir. Le plus remarquable étant que Sohn surmonte brillamment sa peur et, ce faisant, permet au spectateur d’entrevoir une beauté absolument sidérante. Après un prologue justifiant avec malice l’uchronie matricielle du récit, ARLO s’ouvre sur une petite scène ravissante, où s’affirme encore une fois le talent habituel de Pixar pour la caractérisation des personnages : Poppa, Momma, Buck, Libby et Arlo, en quelques minutes à peine d’une séquence d’éclosion d’œufs, sont parfaitement croqués – psychologiquement et émotionnellement. Une manière pour Peter Sohn d’ancrer son VOYAGE D’ARLO dans un cocon sentimental aux thématiques complexes et passionnantes. Si le premier acte a tendance à surligner un peu trop ces thèmes via des dialogues trop écrits et signifiants, il n’empêche que Sohn parvient à circonscrire les enjeux du récit en quelques scènes, afin de pouvoir s’en affranchir par la suite.

Arlo-PicCar ce qui suit s’avère bien plus libre : une fois Arlo perdu dans la nature s’ouvre un récit initiatique parfois contemplatif, souvent poétique, tourneboulé par une nature furieuse et tempétueuse. LE VOYAGE D’ARLO apparaîtra peut-être à certains comme une suite de saynètes – mais quelles saynètes ! D’une séquence de trip hallucinogène à des passages dignes d’un western de John Ford ou d’un film d’aventures du cinéma muet, LE VOYAGE D’ARLO est multiple, changeant. Il prend son temps, emprunte des chemins de traverse narratifs et fait se côtoyer tragédie, tendresse et humour avec une justesse et un sens de l’équilibre constamment renouvelés. Parfois d’une brutalité et d’une cruauté sans nom, LE VOYAGE D’ARLO assène avec courage que l’on ne guérit jamais vraiment de ses peurs, de ses névroses, de ses blessures mais qu’il est nécessaire de vivre au moins avec. Bien sûr, parce qu’il reste un premier film, LE VOYAGE D’ARLO trébuche sur quelques petites maladresses – certains dialogues, donc. Mais il compense avec une réalisation irréprochable, peut-être la plus remarquable vue chez Pixar – et ce n’est pas peu dire.

S’appuyant sur une technologie révolutionnaire qui assure un photoréalisme des décors jamais vu et sur le travail époustouflant sur la lumière de Sharon Calahan, Peter Sohn bâtit une mise en scène dense, où chaque plan conte une histoire, une émotion et où la composition du cadre et les mouvements de caméra mènent à une expérience profondément sensorielle. On décèle même, ici et là, des plans incroyables rarement ou jamais vus en animation, ainsi que des choix radicaux mais payants – beaucoup de plongées, de contre-plongées, de décadrages ou de très gros plans extrêmement stylisés sur les visages d’Arlo et Spot. Là, l’œil de Peter Sohn excelle et la puissance intrinsèque de ses images n’est pas sans rappeler le travail de Dean DeBlois sur la saga DRAGONS. Cette perfection technique et ce brio de mise en scène, alliés à la densité des thématiques, font d’ARLO un spectacle souvent détonant dans l’animation actuelle, ne visant pas tant l’efficacité ou l’unanimité que l’immersion, en suspension, d’un spectateur que l’on chamboule autant que le héros-titre. Jusqu’à ce dernier acte où Peter Sohn, en renvoyant à des émotions dignes du ROI LION, E.T., « Croc Blanc » ou ANTARTICA, mène à une conclusion logique et magnifique, littéralement bouleversante. Jusqu’aux larmes.

De Peter Sohn. Avec les voix originales de Raymond Ochoa, Jeffrey Wright, Steve Zahn, Sam Elliott, Frances McDormand. États-Unis. 1h40

 

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