EL CLUB : chronique

18-11-2015 - 12:50 - Par

EL CLUB : chronique

Le chilien Pablo Larrain ne fait pas le cinéma le plus sympatoche du monde certes, mais il fait de grands films.

Club-PosterPablo Larrain occupe à plein l’espace d’expression que lui offre le cinéma. Il fait des films agacés, politiques, qui en revenant sur le passé alertent sur les dérives présentes : TONY MANERO, POST MORTEM et NO formaient une trilogie complète et lapidaire sur le Chili de Pinochet et autopsiaient la dictature en variant les styles, du plus clinique au plus chaleureux. NO et son utilisation judicieuse de vieilles caméras vidéo U- matic est son plus beau fait d’armes, d’autant que le film était accessible dans son propos, presque mainstream dans sa leçon d’Histoire. Ce n’est pas vraiment le cas d’EL CLUB, qui se pare des habits du cinéma d’auteur le plus revêche pour raconter l’histoire d’hommes d’Église chiliens forcés par les autorités religieuses à se retirer dans une bicoque du bord de mer. Ce serait dommage de s’arrêter à sa forme roide (le film est tourné avec de vieux objectifs russes de cinquante ans d’âge) et à son image bleue-grise, parée d’un voile laiteux. Il y a une grande puissance derrière. Ce ne sont pas des sentiments, c’est à peine de l’émotion. C’est une forme d’anéantissement face à une situation pathétique, où la mesquinerie se marie au vice et au déni. Alors que les curés et autres prêtres mènent un quotidien discret de prières, de discussions, de télévision, et de courses de lévriers (leur petit péché mignon), ce train- train est interrompu par l’arrivée d’un nouveau, ostracisé lui aussi. On ignore quels agissements l’ont amené là. Mais pas longtemps : un jeune homme va le retrouver et l’accuser, à voix haute dans un apparent délire verbal, d’être pédophile. C’est l’état de crise et le Vatican s’en mêle. Pablo Larrain n’aime vraisemblablement pas les Chrétiens car il en tire un portrait au vitriol, où au mieux, on interprète la parole du Christ dans son propre intérêt, au pire, on la bafoue en commettant les pires crimes. Il n’y a pas de pardon qui tienne, les chiens valent mieux que les ministres du culte et la bonté divine ne pèse pas lourd face à l’hypocrisie générale. En la matière, la bonne âme chargée de s’occuper du foyer où résident les ouailles égarées (incarnée par Antonia Zegers, complice de Pablo Larrain devant l’Éternel), le visage déformé par la sévérité et les motivations plus que troubles, est un modèle de diable. « L’Eglise véhicule un idéal de paix, d’amour du prochain, un message d’humilité et de pardon, mais quand l’un des siens se comporte de manière répréhensible, ses messages sont reniés, inappropriés. Elle ne pense plus qu’à son image », dit le metteur en scène. Avec EL CLUB, film malaisant sur la culpabilité, la voilà habillée pour l’hiver.

De Pablo Larraín. Avec Alfredo Castro, Roberto Farías, Antonia Zegers.
Chili. 1h37. Sortie le 18 novembre

4Etoiles

 

 

 

 

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