AU CŒUR DE L’OCÉAN : chronique

09-12-2015 - 18:00 - Par

AU CŒUR DE L’OCÉAN : chronique

Ron Howard filme la tragédie qui a inspiré « Moby Dick » à Melville. Ample, cruel, tumultueux, majestueux : un gros morceau de cinéma.

Ocean-PosterDans un village de pêcheurs, un homme débarque, bien décidé à trouver l’inspiration pour son prochain roman. Il se nomme Herman Melville (Ben Whishaw) et veut en savoir plus sur le naufrage du baleinier Essex qui, en 1820, fut attaqué par un cachalot aux dimensions dantesques et à l’esprit vengeur… Alors que certains en ont souvent fait – à tort – un faiseur impassible au style passe-partout, Ron Howard prouve à nouveau, deux ans après RUSH, sa vivacité. AU CŒUR DE L’OCÉAN s’avère ainsi l’un de ses films les plus remarquables. Visuellement, notamment : faisant une deuxième fois équipe avec le chef opérateur Anthony Dod Mantle (127 HEURES), dont le travail est ici encore remarquable, Howard prend autant le parti du réalisme que de l’esthétique – ses fonds verts et ses CGI, travaillés à l’extrême, donnent parfois l’illusion d’admirer des tableaux classiques. Ce faisant, il réussit à capter et à transmettre l’énergie et la puissance physique requises par la navigation et la pêche à la baleine. Qu’il filme les assauts d’une tempête, les efforts surhumains des marins, les attaques répétées du cachalot ou une poursuite à tombeau ouvert entre navire et cétacé, Howard plonge le spectateur dans un spectacle captivant – les plans mobiles au ras de l’eau rappellent d’ailleurs la manière dont il filmait le bitume dans RUSH. Il s’attarde en de très gros plans graphiques sur les visages ensanglantés des baleiniers, cadre frontalement l’horreur de leur mission, puis de leur survie « aux limites de la folie », en un tumulte visuel et sonore confrontant l’homme à la nature, confondant l’homme et l’animal. Un naturalisme poétique qui donne au spectateur l’opportunité d’être… du côté des baleines ! En effet, AU CŒUR DE L’OCÉAN, s’il n’est pas dépourvu d’images exaltantes et d’élans humanistes, n’est en rien une chronique de l’héroïsme triomphant. L’homme est ici aussi vil que l’animal, majestueux. En cherchant à soumettre la nature, peut-il encore prétendre à la grandeur ? Howard tente de répondre à la question en faisant également d’AU CŒUR DE L’OCÉAN une peinture de la lutte des classes (le duel Chris Hemsworth/Ben Walker), de l’élan de création (les scènes poignantes entre Ben Whishaw et Brendan Gleeson) mais aussi, en un renvoi acerbe à l’actualité, de l’industrie énergétique – la baleine étant chassée pour alimenter les lampes à huile –, qui rime avec sang et secret. Des pistes de réflexion d’autant plus passionnantes qu’elles ne viennent jamais en travers de la nature première du film : celle d’un spectacle presque à l’ancienne, affranchi des règles du cinéma hollywoodien actuel. Immanquable.

De Ron Howard. Avec Chris Hemsworth, Cillian Murphy, Ben Whishaw. États-Unis. 2h01. Sortie le 9 décembre

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