Interview : John Boyega pour STAR WARS LE RÉVEIL DE LA FORCE

21-12-2015 - 09:21 - Par

Interview : John Boyega pour STAR WARS LE RÉVEIL DE LA FORCE

Il avait été une des grandes révélations de l’année 2011 : âgé de 19 ans, il portait l’euphorisant ATTACK THE BLOCK sur ses épaules de lad anglais prêt à bouffer le monde. Son explosion a pris plus de temps qu’on ne l’imaginait mais après une succession de plus petits projets et de séries, il revient dans le plus gros film de l’Histoire, STAR WARS – LE RÉVEIL DE LA FORCE. Trois mois avant la sortie, on le rencontrait à Londres pour remonter avec lui le fil de sa jeune carrière.

Cet entretien a été publié au préalable dans le magazine Cinemateaser n°50 daté décembre 2015 / janvier 2016

 

SW7-PicVous assurez la promo de STAR WARS mais vous avez en même temps la mission de préserver le secret qui l’entoure. Ce n’est pas un peu lourd à porter ?
Quand on me pose une question, je me dis parfois que ce serait cool de pouvoir parler un peu plus de mon personnage… Mais ce temps viendra. Au-delà, ce n’est pas un fardeau. Faire partie d’un projet signifie en assurer la promotion : c’est à dire faire connaître le film et faire connaître aussi la manière dont il souhaite être présenté, l’image qu’il désire avoir. Dans le cas de STAR WARS, on essaie de renvoyer à la manière de faire des années 70. Par exemple, les trailers ne dévoilent pas tout. Ils ne font que donner une idée globale et ainsi favoriser l’imagination des gens. Pour le moment, tout se passe très bien, même si nous sommes dans l’ère des réseaux sociaux.

Vous êtes de la génération de la prélogie. Que représentait STAR WARS pour vous en tant qu’enfant et spectateur ?
STAR WARS est un univers immense en expansion constante. J’ai découvert les prequels, puis les comics, puis les films originaux. C’était une somme sans fin d’informations. Les autres œuvres ‘à fanboys’ ont leurs limites. Avec STAR WARS, que l’on parle de ce qui fait partie du canon ou pas, on peut aller dans n’importe quelle direction. Il y a tant d’histoires dans cet univers… J’ai adoré découvrir tout ça.

Une partie du fun de la trilogie originelle était son côté camp, théâtral, avec des dialogues over the top. LE RÉVEIL DE LA FORCE va-t-il se permettre d’être ainsi ou est-ce impossible de nos jours ?
Je pense justement que tout ça a manqué au public. Aujourd’hui on a souvent l’impression que les personnages ont conscience d’être dans un film et du coup, ils se prennent terriblement au sérieux. Dans STAR WARS, les personnages croient à ce qu’ils vivent et c’est ce qui rend ces films si divertissants. C’est aussi ce qui les rend si ‘réels’ : les personnages sont dans l’instant, ils vivent les choses. Lawrence Kasdan est de retour au scénario alors… Je crois que LE RÉVEIL DE LA FORCE est un bon rappel des premiers films.

STAR WARS a été le miroir politique de son temps – la guerre du Vietnam ou l’ère post 11-septembre. En quoi cet épisode est-il pertinent pour notre époque ?
Comme l’EPISODE VII est une continuation des trois films originels, il sera intéressant de voir ce qui s’est passé toutes ces années depuis LE RETOUR DU JEDI, de voir comment a évolué le monde des Jedis – puisque dans la première trilogie, ils avaient totalement disparu. Le commentaire que pourra porter le film sur la croyance des gens pour quelque chose qui a disparu depuis longtemps risque d’être passionnant. Comment cette croyance peut être relancée et être porteuse d’espoir. Il y a aussi le fait
que, dans l’univers de STAR WARS, il y
a toujours une guerre. Personne ne gagne jamais. Et pour moi, c’est déjà un commentaire [sociopolitique] suffisant ! (Rires.)

Pour faire STAR WARS, vous avez dû abandonner l’opportunité d’incarner Jesse Owens dans le biopic RACE…
Ce n’est jamais facile d’abandonner un projet. Mais la question était de me demander dans quel genre d’histoires je voulais être impliqué, quel type d’histoires j’avais envie de raconter à ce moment-là. Et il s’est trouvé que c’était STAR WARS.

Exergue-BoyegaPensez-vous, comme Gwendoline Christie (qui incarne Capitaine Phasma) que LE RÉVEIL DE LA FORCE est un film important pour la diversité de représentation à Hollywood ?
J’ai 23 ans et je bosse dans cette industrie depuis quatre ou cinq ans. Je viens à peine de me joindre à la fête, si l’on peut dire. Toutes ces choses politiques… comme la diversité… je regarde ça et je me dis : ‘Ah, c’est pas comme ça que les choses sont faites de facto ?’ Cela me surprend toujours d’entendre que les décisions de J.J. concernant le casting de l’EPISODE VII sont différentes de ce qui a pu se faire dans d’autres films par le passé. Mais oui, c’est très important. Quand on fait un film sur l’Angleterre du XIIIe siècle, je comprends les limitations [de représentation]. Mais… dans l’espace ? (Il explose de rire.) Il y a des planètes différentes, des créatures velues, des gens de couleur verte ! Donc oui, [cette diversité] est nécessaire et cette tendance doit continuer.

Vous étiez l’un des trois derniers candidats au rôle principal de KINGSMAN. Était-ce nécessaire pour vous d’essayer de faire des blockbusters pour exister aux yeux de l’industrie ?
Il est juste important de s’écouter. Si cela stimule votre passion pour votre Art, il faut foncer. Peu importe la taille du projet. J’ai fait des petits films qui m’ont tellement emballé que j’avais l’impression de faire un truc épique et énorme ! Peut- être que de l’extérieur il semble que les jeunes acteurs sont obligés de faire de gros films… Mais KINGSMAN, ça parle d’un jeune mec qui apprend à devenir espion. C’est cool à jouer ! Que le film soit gros ou pas.

Attack-The-BlockAprès ATTACK THE BLOCK, vous avez été discret professionnellement. Avez-vous eu du mal à appréhender la manière dont les gens vous ont vu dans ce film ?

Non… J’ai travaillé sans cesse après ATTACK THE BLOCK ! Le fait d’avoir été loué pour ce film n’a rien changé. J’aimerais pouvoir vous dire que cela a été compliqué d’accepter le regard des autres, mais non… (Rires.) Le fait d’être si jeune vous rend totalement ignorant de certaines réalités. À mon âge, on ne s’embarrasse pas du lendemain. On est juste là, dans l’instant, dans un film STAR WARS, avec J.J. Abrams et Harrison Ford. ‘C’est juste génial !’ : voilà dans quel mode se met votre cerveau. Tous les questionnements sur la manière dont les gens vous voient n’entrent pas en ligne de compte. C’est si excitant que ça en devient irréel. J’ai ma figurine dans des Disney Store ! Je ne veux pas passer à côté de ce moment. Je prends tout, même si c’est un peu surréaliste.

Mais vous n’avez jamais peur de devenir le jouet de cet univers ? De Disney ? Des fans ? De l’industrie ?
Non.

Vous ne faites que profiter du moment ?

Oui. Vous savez, il y a pire ! Même si, dans la vie, on peut dire quelque chose un jour et avoir des réserves le lendemain… Sur ce que je vis en ce moment, je n’ai pas de réserves.

Après ATTACK THE BLOCK, avez- vous parfois eu le sentiment que les gens avaient du mal à vous voir autrement qu’en Moses ?
Non car après ATTACK THE BLOCK, j’ai eu des rôles très différents : un décalque fictionnel de Mike Tyson dans DA BRICK, un garçon brutalement tué à Londres dans MY MURDER, un jeune nigérian dans HALF OF A YELLOW SUN, un étudiant dans LAW & ORDER UK, un poète de South Central dans IMPERIAL DREAMS. Et maintenant je joue ce Stormtrooper/Rebelle dans STAR WARS ! (Rires.) Dans ma tête, sur ATTACK THE BLOCK, le rôle de Moses était très riche, très subtil. Il n’était pas unidimensionnel. Mais je ne pensais pas que les gens verraient ça dans mon interprétation. Cette richesse, je l’avais développée pour moi et je n’imaginais pas que cela se verrait. Quand les gens ont vu toutes ces variations dans mon jeu, toutes ces nuances que j’ai essayées d’y mettre, j’ai trouvé ça super.

Vous avez fait du théâtre. Qu’est-ce que cela a apporté à votre jeu au cinéma ?

Le développement de personnage. Au théâtre, c’est toujours passionnant. Les gens disent souvent qu’il y a une différence significative à avoir son public en face de soi au théâtre et à ne pas en avoir du tout sur un plateau de cinéma. Moi, le théâtre m’a surtout appris à ‘bloquer’ tout ce qui m’entoure. Sur scène, il faut en fait oublier la présence du public. Il faut dresser une ligne invisible entre la salle et les planches. Sur un plateau, c’est la même chose avec la caméra : elle ne doit pas exister. Pareil avec l’équipe technique, les câbles au sol, le mec derrière la soufflerie etc. (Rires.)
Il faut juste faire son truc, faire tout disparaître autour de soi afin de donner une certaine réalité au monde de votre personnage.

Revenons sur DA BRICK… C’était un projet passionnant : une sorte de faux biopic de Mike Tyson, pour HBO, réalisé/produit par Spike Lee et écrit par John Ridley (12 YEARS A SLAVE, AMERICAN CRIME). Le pilote s’est tourné mais il n’a pas abouti sur une série. Comment l’avez-vous vécu ?
Cela aurait pu être une période un peu folle de ma carrière mais en fait, j’ai beaucoup appris de cette expérience. Sur les choix créatifs, sur la nécessité de dompter ses attentes. DA BRICK a été ma porte d’entrée dans l’industrie hollywoodienne. Aussi, même si la série n’a pas abouti, la réaction des gens m’a fait comprendre qu’ils voulaient vraiment me voir à nouveau sur un écran. Vous m’avez parlé de ma discrétion après ATTACK THE BLOCK et c’est vrai qu’on m’en parle souvent. Les gens s’attendaient sans doute à ce que j’enchaîne avec TERMINATOR 5 ! (Rires.)

Je voulais dire par là que vous n’aviez pas explosé comme le laissait supposer la réaction critique et publique à votre interprétation dans ATTACK THE BLOCK…

Je comprends, oui. Et d’ailleurs, ces attentes à mon égard ont forgé une grande partie de ma motivation, pour tout vous dire. J’espère qu’elles seront comblées avec STAR WARS ! (Rires.)

STAR WARS – LE RÉVEIL DE LA FORCE. En salles.
Lire notre critique

 

 

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