ZOOTOPIE : chronique

14-02-2016 - 18:55 - Par

ZOOTOPIE : chronique

Merveille d’animation, le Disney de 2016 s’avère surtout d’une intelligence redoutable et d’une modernité réjouissante. Déjà l’un des meilleurs films de l’année…

Zootopie-PosterDepuis au moins La Fontaine, on sait que les animaux parlent mieux des Hommes que nous. Walt Disney l’avait bien compris et a fondé son empire sur un anthropomorphisme constant du règne animal. On a appris le deuil avec LE ROI LION, la persévérance avec DUMBO, la liberté avec LES ARISTOCHATS ou l’amour avec LA BELLE ET LE CLOCHARD. Quand avec ZOOTOPIE il s’agit carrément de recréer une société complète faite d’animaux de tous poils et de toutes plumes, on se demande bien ce que Disney aurait encore à nous apprendre.

C’est peu dire qu’on sort K.O et conquis de cette utopie animalière aussi drôle et farfelue que puissamment politique et humaniste. L’écriture de Disney touche ici à une forme de perfection, tant sur le fond que sur la forme, en réussissant à lier dans un même élan, la candeur de la fiction jeunesse et la grandeur de la fable contemporaine. Tout ça avec un humour et une rapidité d’exécution qui donnent l’impression que tout ceci tient du jeu d’enfants. Jamais véritablement sur des rails, le film nous entraîne à la suite de son héroïne Judy, lapine intrépide bien décidée à faire son trou dans la police, dans un dédale de situations rocambolesques et émouvantes, naviguant entre les personnages de toutes races et offrant à chacun une place dans une histoire bien plus complexe qu’elle ne pouvait laisser paraître. Sous ses airs colorés, ZOOTOPIE s’attaque ni plus ni moins aux mécanismes pervers de la peur, à la xénophobie rampante, aux préjugés tenaces qui pourrissent une société. Gros sujet, brûlant d’actualité, que le film traite avec une intelligence redoutable qui fait toute sa grandeur. Plutôt qu’un appel bancal à la tolérance, le film amène le spectateur et son personnage principal à faire l’expérience de ses propres préjugés, jouant sur les fausses pistes et les retournements, pour démontrer que les grands idéaux ne défont pas toujours la peur primitive de l’autre. En mettant à mal la candeur de son héroïne, le film dépasse la légèreté attendue et trouve des résonances contemporaines inattendues avec les impasses de notre société actuelle. ZOOTOPIE refuse de décrire un monde tout rose où le manichéisme du conte délimiterait une morale pré-établie. Il y préfère un message plus subtil d’apaisement, où il s’agit plus d’essayer de rendre le monde meilleur que d’y parvenir réellement. Après LA REINE DES NEIGES et son histoire d’amour entre sœurs, Disney prouve à nouveau que l’angélisme tient du passé.

Ainsi, à ce dispositif scénaristique complexe fondu dans une intrigue policière rondement menée, le film ajoute tout un tas de personnages hors normes, légèrement décalés, dont le film embrasse la singularité avec amour et bonhommie. C’est un couple de « colocs » yaks vraiment pas sympa, une séquence de naturisme tordante, un parrain de la mafia poilu, un paresseux pas très efficace, des parents lapins un peu réac, et surtout le génial officier Clawhauser, guépard obèse rêveur subtilement queer. Véritable buddy-movie, ZOOTOPIE a de faux airs des comédies de Paul Feig (LES FLINGUEUSES, SPY) avec son féminisme puissant, son goût pour la bizarrerie joyeuse, ses scènes d’actions malignes et jamais redondantes et son sens de l’humour universel. Mais surtout, en racontant combien il est difficile d’essayer d’être vraiment qui l’on est, ZOOTOPIE colle « les poils ». Constamment, le film oscille entre inquiétude et émerveillement, colère et tendresse mettant petits et grands animaux et spectateurs au même niveau. Pendant 2 heures, ZOOTOPIE raconte nos sociétés, avec ses pop stars, ses médias, sa politique et notre époque, ses craintes, ses dysfonctionnements mais aussi son incroyable pouvoir de rassemblement et de diversité, avec une acuité et une jubilation remarquables.

De Byron Howard et Rich Moore. Avec les voix originales de Ginnifer Goodwin, Jason Bateman, Idris Elba. États-Unis. 1h48. Sortie le 17 février

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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