BATMAN V SUPERMAN : critique

23-03-2016 - 10:29 - Par

BATMAN V SUPERMAN : critique

Zack Snyder pose les bases de la grande mythologie DC au cinéma avec un film aussi brillant que parfois maladroit, et qui persiste à vouloir faire de son final un grand bordel numérique.

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BATMAN V SUPERMAN a la dure tache d’assurer le service après-vente de MAN OF STEEL mais d’être aussi la base de tout un consortium de films interdépendants qui devraient imposer Warner/DC comme une association artistiquement et financièrement viable. Et pour être tout à fait honnête, même s’il est parsemé de maladresses et qu’il a les défauts typiques de son réalisateur (encore une fois, c’est trop long), BATMAN V SUPERMAN est réussi.

On nous plonge en pleine crise, alors que Superman doit répondre de ses actes, après avoir sauvé la Terre au prix d’un second 11/9 en plein Metropolis. La deuxième partie de MAN OF STEEL a largement été décriée pour avoir « sali » Superman, transformé pour l’occasion en terroriste loin de l’éblouissante et solaire icône kryptonienne. Alors cette simili suite adopte d’abord le point de vue de ce spectateur-là, celui qui a été rincé et déçu par la fin de MAN OF STEEL : il est représenté par Bruce Wayne, abasourdi qu’un être d’une telle puissance de destruction puisse être laissé en liberté. Le problème de BVS réside en cette manière de s’excuser en permanence, de la part de MAN OF STEEL, de s’être repu de violence. Que Superman argue que ce n’est pas lui qui a tué ces gens ou que, dès qu’une séquence d’action semble arriver, un personnage certifie que la zone de frappe est déserte, le procès fait à Superman n’est pas toujours mis à l’œuvre de manière très narrative ou subtile. Mais il est toujours au cœur du film. Et c’est d’ailleurs le procès de tous les super-héros qui est organisé. Si Superman est un « faux dieu », qui remet en cause les lois humaines et naturelles et les croyances terrestres, Batman est un sale vigilante qui a attiré la méfiance voire la colère. Un « criminel ». Face à eux, Lex Luthor convainc les autorités d’avoir accès aux vestiges kyptoniens échoués sur Terre et désire aller au devant de ces justiciers sauvages. En correspondance constante avec le monde d’aujourd’hui, BVS soulève des questions politiques importantes – quand une arme de dissuasion devient-elle une arme de destruction ? –, passe par la case philo en brassant Rousseau et Nietzsche et stagne en mode mythologie. C’est le problème quand on orchestre un affrontement, physique et idéologique, aussi énorme que celui de Batman avec Superman, ou que le grand vilain de l’histoire veut en fait neutraliser un dieu pour le devenir à sa place : on n’en rajoute vraisemblablement jamais assez en symbolisme lourd (ici, une statue d’un dieu Grec, là une phrase lourdingue assénée par un Jesse Eisenberg en roue libre). Et quand le combat final se déclenche, il faut bien être à la hauteur de ce teasing suprême, alors, la routine, tout explose, tout est en flamme, détruit et c’est un bordel visuel tel qu’on ne comprend plus grand-chose. Oui mais, ce gros final sous forme de CGI-porn met aussi en scène trois super-héros méchamment iconiques. Parce que oui, BVS est un supermovie qui finit par peiner à canaliser son spectacle. Mais c’est surtout salement cool – ce qui promis juré n’est pas un gros mot. Zack Snyder est peut-être l’un des réalisateurs qui maîtrise le mieux le pouvoir fantasmatique de l’image de cinéma – un passé dans la pub utilisé à bon escient aujourd’hui. Le plus beau plan du film ? Un collier qui se brise. Dans un blockbuster qui voit Batman et Superman s’affronter, il fallait oser.

Photo1Face à un Henry Cavill parfaitement engoncé dans son costume de Superman (on note que Loïs Lane est, ici, plus proactive que lui), Ben Affleck propose une lecture grave, vieillissante et colérique de Batman qui, sans effacer le Dark Knight de Nolan, parvient à exister d’elle-même. Peut-être parce que son indéfectible Alfred (Jeremy Irons), qui est aussi une partie de lui, est fondamentalement différent du personnage incarné par Michael Caine. L’affrontement promis est spectaculaire et son dénouement, que d’aucuns pourront trouver croquignolet parce qu’il renvoie nos super-héros à leur condition d’enfant, est bouleversant. La plus belle réussite de Snyder est de faire cohabiter deux symboles à l’opposé du spectre, celui qui sauve des vies et celui qui pince des criminels, celui qui s’élève au-dessus de Terre et celui qui hante ses bas-fonds, celui qui sidère et celui qu’on craint, dans un entre deux mondes crédible et cohérent. Il y a un premier degré dans BVS qui force l’admiration et qui oblige le spectateur à y croire mordicus. Même quand une séquence de prémonition, ou de rêve, ou de délire (on ne sait pas vraiment), vient chahuter la cohérence de l’histoire avec un certain sens de l’aberration, on reste coi et inquiet mais il s’est passé quelque chose d’extraordinaire – la seule limite étant qu’on maîtrise mieux la scène si on connaît les comics, nous semble-t-il. Cette manière qu’a Snyder de nous faire littéralement vivre dans ce réalisme de BD est payant : quand débarque Wonder Woman, elle impose son attirail, bouclier, tiare, lasso, avec une classe folle, un air frondeur et un thème musical de Hans Zimmer et Junkie XL absolument dément. Ceux qui pensaient que la super-héroïne était condamnée à rester une figure un peu kitsch, le vestige d’une culture pop pittoresque et artificiel, vont en prendre un coup dans les certitudes. Elle donne un second souffle au film. BVS a, en revanche, une noirceur, un côté presque morose parfois, qu’il faut apprivoiser. Contrairement aux films Marvel qui vont chercher le grand public, DC a fait le choix difficile et louable d’un cinéma plus retors.

 

De Zack Snyder. Avec Henry Cavill, Ben Affleck, Gal Gadot. États-Unis. 2h30. Sortie le 23 mars

 

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