Cannes 2016 : GRAVE / Critique

15-05-2016 - 10:21 - Par

Cannes 2016 : GRAVE

De Julia Ducournau. Semaine de la critique, en compétition.

Synopsis officiel : Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installée, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature.

Mais que s’est-il passé à l’adolescence pour Julia Ducournau ? GRAVE, son premier long-métrage, enfonce le clou qui pointait dans JUNIOR (court-métrage sur une gamine garçon manqué qui fait, littéralement, sa mue en jeune femme) et MANGE (téléfilm sur une ancienne boulimique qui voit ressurgir celle qui lui a pourri la vie à 15 ans). Ces trois œuvres sont reliées par l’idée de la découverte de la féminité et de la difficulté de rompre une chrysalide.

GRAVE entérine ces thèmes autour d’une étudiante en médecine vétérinaire, végétarienne, qui se découvre de dévorants appétits après avoir dû avaler de la viande crue lors de son bizutage. Résumer GRAVE à un film de cannibale est plus que réducteur. Ne serait-ce, au minimum, parce que Ducournau boulotte les codes – il est finalement plus question ici de vampirisme que d’anthropophagie –, ou va jusqu’à l’os pour parler d’intégration sociale ou familiale. Sous le rouge sang, c’est étonnamment un « rose fille » qui baigne GRAVE, récit d’une émancipation mais surtout d’un apprentissage du lâcher-prise. Ducournau aligne les scènes anthologiques ou maîtrise l’installation d’une incroyable atmosphère sensorielle. De quoi lui épargner toute notion comparative (à Cronenberg pour le rapport à la chair, à Pialat pour le naturalisme des personnages comme des dialogues percutants) ou pardonner quelques maladresses – un épilogue trop vite expédié, ce personnage gay grossièrement ébauché… D’autant plus quand, à l’inverse, la vision d’une sphère teenager à la fois franche et attendrie est impeccable de justesse, dans la compréhension de ses enjeux comme dans sa crudité. On pourra d’ailleurs préférer de loin à un titre français trop poli celui international (RAW) plus proche de ce qu’est cet ébouriffant film. Un film qui offre d’emblée à Julia Ducournau (fille de dermato et de gynéco, ceci explique peut-être cela) une place d’honneur dans une famille de réalisatrices d’exception où siègent Catherine Breillat (À MA SŒUR), Marina de Van (DANS MA PEAU) ou Lucille Hadzihalilovic (EVOLUTION).

De Julia Ducournau. Avec Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella. France. 1h35. Prochainement

 

 

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