Cannes 2016 : BACCALAURÉAT / Critique

19-05-2016 - 11:58 - Par

Cannes 2016 : BACCALAURÉAT

De Cristian Mungiu. Sélection officielle, En Compétition.

Synopsis (officiel) : Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux Sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…

Derrière ses airs de gentil garçon bonhomme et son visage rond sympathique, Cristian Mungiu est un énervé de premier ordre, un de ces cinéastes qui derrière le calme apparent de ses films, cache des torrents tempétueux de colère. Nouvelle preuve avec BACCALAURÉAT, son troisième film présenté en compétition à Cannes après 4 MOIS, 3 SEMAINES, 2 JOURS et AU-DELÀ DES COLLINES. À travers l’histoire de ce père qui souhaite à tout prix aider sa fille à obtenir son bac pour qu’elle puisse partir étudier en Angleterre, Mungiu dresse un portrait désenchanté et acerbe de la Roumanie. La violence ? « Des choses qui arrivent », dit un policier. « Surtout ici », répond le père qui, de scène en scène, porte sur ses épaules la désillusion de toute une génération qui a été incapable de changer les choses après la chute du régime de Ceausescu. Peu à peu, alors que le père tente de bâtir un avenir brillant pour sa fille, son modèle de valeurs se fissure – à l’image de ce trou béant dans la vitre de son salon. La violence a beau rester hors-champ, elle est perpétuellement là, tapie, latente : Mungiu construit une ambiance aussi amère que délétère. Tout ça, évidemment, par la force d’une mise en scène toujours précise dans sa roideur et pertinente dans son propos. Il aligne ainsi de longues scènes de dialogue où, en face à face, deux personnages sombrent dans la corruption – ou en discutent –, alors que derrière eux, la vie quotidienne suit son cours – à l’école, au commissariat, à une fête d’anniversaire. La corruption a infiltré toutes les strates de la société roumaine et Mungiu décrit avec une froideur souvent effrayante un univers de chacun pour soi, de « gens serviables » à qui l’on est redevables… Le seul problème c’est qu’une fois la mécanique de mise en scène comprise et intégrée, BACCALAURÉAT a tendance à se déliter : puisque tout passe essentiellement par les dialogues, ceux-ci se font peu à peu redondants, voire didactiques. BACCALAURÉAT souffre ainsi de son caractère jusqu’au-boutiste et de son cadre étriqué, Mungiu semblant incapable de synthétiser, d’aller à l’essentiel, comme si sa colère finissait par l’handicaper. Les questions posées par BACCALAURÉAT sur l’intégrité et la transmission morale restent toutefois passionnantes, d’autant que Mungiu a la malice, dans son dernier plan, de donner les clés à la jeunesse de son pays. Fera-t-elle les mêmes erreurs ?

De Cristian Mungiu. Avec  Adrian Titieni, Maria Dragus, Lia Bugnar. Roumanie. 2h07. Prochainement

 

 

 

 

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