COMANCHERIA : chronique

09-09-2016 - 10:52 - Par

COMANCHERIA : chronique

L’Amérique des grands espaces et ses contradictions : maladroit mais puissant et touchant, notamment grâce à un immense Ben Foster.

comancheria-posterLES POINGS CONTRE LES MURS se déroulait au Royaume-Uni mais évoluait dans un univers filmique très américain – la prison. Deux ans plus tard, David Mackenzie traverse cette fois totalement les frontières pour COMANCHERIA, projet au sujet, au décor et aux personnages profondément américains. Dans la première séquence, ouverte par un impressionnant panoramique circulaire, Mackenzie filme un vendeur de voitures, une église et une banque subitement assaillie par deux braqueurs. En quelques secondes, il convoque ainsi à l’image toute une Amérique – réelle et fictionnelle –, pour s’attacher ensuite à la démonter brique par brique. Ici, deux frères, Toby (Chris Pine) et Tanner (Ben Foster) se lancent dans une série de casses pour empêcher la saisie de leur ranch. Avec l’élan de l’Européen qui découvre les grands espaces, Mackenzie pose sa caméra au cœur de villes fantomatiques, aux portes d’usines en ruine, aux abords de champs où gisent des machines prêtes à rouiller. COMANCHERIA frappe pour le contraste violent qu’il propose entre l’imagerie, fantasmatique, et la réalité, désespérante. La lumière chaude et subtilement stylisée de Giles Nuttgens bâtit une ambiance éloquente où les éléments pèsent de tout leur poids : tout n’est que chaleur, humidité, ciels gris menaçants, poussière, sueur. L’horizon dégagé qui s’élance, symbole de liberté et d’infinis champs des possibles, ne fait alors que rappeler l’impasse dans laquelle est paralysé tout un pan de la population, exclu du rêve américain et embourbé dans la misère depuis la crise de 2008. Cette manière assez offensive de confronter l’Amérique à ses contradictions et à ses mythes déclinants a son revers : le script de Taylor Sheridan (SICARIO), bien que porté par des élans littéraires ensorcelants et une colère attachante, a parfois tendance à user de dialogues trop explicatifs, qui soulignent maladroitement le propos. Mais, même s’il bégaie, le film parvient à ne jamais dévisser. Sans doute parce que le découpage de Mackenzie – sobre et élégant, captant la violence et les torts de chacun sans détour – prend le dessus et sublime les acteurs. Si Chris Pine livre une de ses meilleures prestations et si Jeff Bridges amuse puis bouleverse en shérif anachronique, c’est Ben Foster qui impressionne. Boule de nerfs révoltante, il signe une performance de prime abord monolithique qui dévoile peu à peu des trésors de nuances. Tout comme Jack O’Connell dans LES POINGS CONTRE LES MURS, il offre à Mackenzie l’occasion d’observer la masculinité à son paroxysme, dans tout ce qu’elle peut avoir d’effrayant – et de touchant.

De David Mackenzie. Avec Chris Pine, Ben Foster, Jeff Bridges. États-Unis. 1h42. Sortie le 7 septembre

4etoiles5

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.