Et si on vous présentait Podz ?

24-09-2016 - 19:32 - Par

Et si on vous présentait Podz ?

Quand on évoque le cinéma du Québec, ce sont les noms à valeur internationale tels que Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y., DALLAS BUYERS CLUB) ou Denis Villeneuve (POLYTECHNIQUE, ENEMY) qui sautent à l’esprit. Ce serait dommage de passer à côté de Podz et de son cinéma singulier. Bientôt KING DAVE débarquera sur nos écrans d’une manière ou d’une autre et nous révèlera, en un seul plan séquence, l’audace de ce réalisateur trop méconnu. Cinemateaser remet les pendules à l’heure de la Belle Province.

 

Vu de France, le cinéma québécois a pour porte-drapeaux le patriarche Denys Arcand et son héritier Xavier Dolan, ou des expatriés hollywoodiens comme Denis Villeneuve et Jean-Marc Vallée. En Gaule, avec pour seul film distribué à ce jour (directement en DVD) LES SEPT JOURS DU TALION, et malgré quelques perles sérielles diffusées chez nous (MINUIT LE SOIR, 19-2, XANADU), Podz est un quasi inconnu. Pourtant, à presque 50 ans et après cinq films provocateurs et tourmentés, Podz est bien un cinéaste majeur, et aujourd’hui incontournable, de la Belle Province. Il est temps de le découvrir en France. Et urgent d’imposer cet auteur, pourchassant sans relâche ses démons thématiques et questionnant film après film son identité visuelle.

Tous les films de l’inclassable Podz, qu’il aborde le thriller, la tragédie ou le drame social, sont une mise à l’épreuve de son « sujet de prédilection : l’être humain dans toute sa beauté et sa laideur ». Flirtant avec l’insoutenable, LES SEPT JOURS DU TALION interpelle sur « ce que la violence fait de nous, comment elle nous transforme, comment elle nous détruit » et oblige le spectateur à réfléchir à la représentation à l’écran de la violence. Sous ses airs volontairement âpres, 10 1⁄2 se révèle une ode déchirante et sans concessions sur l’enfance blessée par l’absence, à « vivre de façon viscérale et immédiate ». D’une froideur chirurgicale, L’AFFAIRE DUMONT joue avec les codes du documentaire pour mieux nous interroger « sur la nature de la vérité » et établir « un vrai questionnement sur ce qui est faux ou vrai dans le cinéma ». Porté par un déroutant Xavier Dolan, son film choral MIRACULUM, à la mise en scène « directe et facile », aborde les « questions spirituelles » que se pose l’Homme face à la mort et au vide existentiel.

Avec KING DAVE, son dernier film en date, Podz clôt un chapitre de sa carrière. Suivant un jeune homme sombrant, l’espace d’une nuit, dans la violence, ce long-métrage est un périple suffocant au cœur de la psyché, tourné en un seul plan séquence. KING DAVE est à l’image de la démarche jusqu’au-boutiste d’un metteur en scène cherchant, sans vanité mal placée, à se mettre toujours et encore en danger. Comme s’il lui fallait perpétuellement rester en mouvement pour capter l’impossible particule humaine. Et le mouvement est au cœur du cinéma de Podz, qui utilise le flou pour révéler ses personnages dans le cadre ou le plan séquence pour laisser vivre au maximum cet espace temps bref par nature cinématographique. Entretien.

 

Cinemateaser : Dans vos films ou vos séries, vous utilisez régulièrement le ‘flou’. Que recherchez-vous avec cet effet ?

Podz : Mon recours aux plans flous a débuté durant la création de la série MINUIT LE SOIR. Je devais trouver une façon d’introduire le personnage de Fanny (incarnée par Julie Perreault, ndlr). Je ne trouvais rien. Et le matin du tournage, en revoyant les scènes de la journée et en établissant ma liste de plans, l’idée m’est venue de faire avancer la caméra vers Fanny, mais sans toucher la bague de foyer de la caméra et de faire ainsi sortir le personnage de la brume pour le rendre réel. Quand nous l’avons fait, j’ai tout de suite dit à mon directeur photo : ‘Voilà la série !’ Ces plans flous, ces images un peu irréelles d’une vraie beauté mais tout de même ancrées dans une réalité, rendaient le propos beaucoup plus éthéré. Il y avait là une vraie façon visuelle de créer un poème. De souligner, d’isoler, de transmettre un état psychologique. Nous voulions aussi souligner l’aspect un peu surréaliste de travailler la nuit. Lorsque tu es constamment debout la nuit, il y a un état de fatigue qui s’installe, tu es toujours dans un état proche du rêve. Et après tout un film est un rêve éveillé. C’est une technique que j’emploie maintenant un peu plus sporadiquement que dans MINUIT LE SOIR, mais qui reste très près de mon travail.

Votre style visuel comporte une autre récurrence : le plan séquence. Les plus mémorables sont celui circulaire de la série TU M’AIMES-TU, la fusillade de 13 minutes dans la saison 2 de 19-2 et bien évidemment le plan séquence intégral que constitue KING DAVE. Pourquoi explorer encore et toujours ce ‘morceau de bravoure’ logistique et artistique ?
J’essaie toujours de trouver une façon émotionnellement satisfaisante de décrire un état psychologique. Ces ‘morceaux de bravoure’ servent toujours l’histoire. Ces séquences permettent également de créer un vrai environnement créatif sur le plateau. Tous les membres de l’équipe doivent y participer et cela crée un rassemblement au sein du groupe. En ce qui concerne KING DAVE précisément, ce fut une expérience humaine très forte. Toute l’équipe était aussi investie dans le film que moi, ce qui est très rare. Tous ceux qui ont participé à ce tournage le verront comme une expérience marquante par le simple fait qu’ils devaient tous être à leur meilleur le temps du tournage à chaque nuit. D’autre part, l’imprévu doit faire partie de l’équation dans un plan séquence. L’improvisation aussi. Mais je crois de toute façon que l’imprévu et l’improvisation doivent faire partie de tous les tournages. Il faut être ouvert à toutes les possibilités qui se présentent, mêmes les obstacles, et les utiliser à l’avantage de la vision du film.

podz-exergueAu-delà des contraintes techniques, le danger d’un plan séquence n’est-il pas de faire oublier la performance au profit de la dimension artistique ?
C’est exactement ça. Le propos et la psychologie des personnages doivent rester primordiaux. Et il ne faut surtout pas que le spectateur remarque le plan séquence. Il faut faire comme si le film était monté : fournir différents plans et tailles à l’intérieur même de la séquence. Dans le cas de KING DAVE, il y a plusieurs lieux, plusieurs scènes à l’intérieur du même plan, ainsi que plusieurs temporalités et même de réalités. Tout ça doit être par ailleurs appuyé par le son et bien sûr, la musique. Il faut aussi donner l’impression qu’il y a des coupes dans le film. C’est très difficile car le montage se fait à même le tournage. On ne peut simplement pas se dire : ‘On verra ça en salle de montage’ !

Qu’elle soit physique comme dans LES SEPT JOURS DU TALION ou psychologique, par exemple dans
10 1⁄2, votre cinéma ne refuse jamais la violence. Vous allez même parfois très loin. Avez-vous des limites dans ce que vous êtes capable de mettre en scène et de filmer ? Vous interrogez- vous sur la nature de ce que vous êtes capable de montrer ?
Oui, c’est toujours une question que je me pose. Nous pouvons tout montrer de l’expérience humaine, car cette violence fait partie de nous et c’est une bonne chose de s’y confronter, de la regarder froidement. Mais si je ne vois aucun avantage psychologique, narratif ou émotif à la montrer, je ne le fais pas. La vieille théorie selon laquelle ‘c’est pire de ne pas voir’ marche seulement si on peut démontrer jusqu’où on est prêt à aller. Si les clés de lecture sont ainsi données, ce qu’on ne voit pas devient alors insoutenable.

À ce titre, une image sera toujours plus puissante qu’une ligne de dialogue…

Nettement. J’adore la communication directe d’une image. Elle va droit au cœur. Et reste dans la tête longtemps après la fin du film.

À ce jour, vous avez abordé de nombreux genres mais pas encore la comédie. Est-ce par manque d’envie ?
On m’a offert des comédies, mais je n’ai pas trouvé le parfait véhicule à ce jour. Ce n’est pas par manque d’envie, mais bien de projets ! Peut-être si le bon projet se présente…

 

KING DAVE
Prochainement

 

 

 

 

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