L’adaptation du fameux best-seller de Paula Hawkins est bien troussée mais tout à fait impersonnelle.
Parce qu’il va fouiller dans les vilains secrets des couples, les faux-semblants et les coupables idéaux, le livre « La Fille du train » de Paula Hawkins est très souvent comparé au best-seller « Les Apparences » de Gillian Flynn. Mais si l’on peut rapprocher les deux romans de gare (sans mauvais jeu de mots), l’adaptation du premier, par Tate Taylor (LA COULEUR DES SENTIMENTS, GET ON UP), n’a en revanche rien à voir avec GONE GIRL, l’adaptation du second par le maître David Fincher. LA FILLE DU TRAIN lorgne bien vers la perversité, la manipulation, mais ne parvient jamais à transformer la déliquescence de la petite bourgeoisie en un portrait grinçant ou misanthrope qui aurait du caractère. Le thriller reste assez consensuel – même si parfois violent –, il est empathique et du côté des femmes. Et en premier lieu, Rachel (Emily Blunt), cette divorcée noyant son chagrin dans l’alcool et qui, lors des trajets en train qui relient son domicile à son bureau, projette un idéal fantasmatique sur des couples dont les maisons bordent les rails. L’une de ces villas, c’est la sienne, plus exactement celle qu’elle habitait avec son ex-mari (excellent Justin Theroux), aujourd’hui remarié avec Anna (Rebecca Ferguson). Les voisins, Megan et Scott Hipwell (Haley Bennett et Luke Evans), filent un amour passionné. Par le hublot de son wagon, Rachel peut constater quotidiennement combien elle a raté sa vie. Jusqu’au jour où Megan disparaît. Rachel a peut-être été témoin de quelque chose de crucial, mais complètement ivre, elle a tout oublié. De la tristesse des nullipares, aux turpitudes des femmes au foyer, en passant par la détresse des mères indignes, LA FILLE DU TRAIN est un portrait de femmes comme une nature morte, plombée par des couleurs automnales et des décorums de bon goût. Peu épanouies dans leur travail, conditionnées par leur statut marital et caractérisées par leur instinct maternel, les spécimens de LA FILLE DU TRAIN pourraient véhiculer une image totalement archaïque si la manière, assez familialiste, dont elles abordent l’existence ne les rendaient pas si déprimées et déprimantes. Mieux vaut penser au film comme un roman à l’eau de rose bien écrit, un Harlequin plutôt ingénieux, avec des personnages crédibles et mal aimables. LA FILLE DU TRAIN, sorte de tragédie de quartier, vaudra peut-être une nomination aux Oscars à Emily Blunt qui, les yeux dégoulinant l’alcool et la dignité en berne, trouve ici l’un des rôles les plus forts de sa brillante carrière et le joue avec un immense talent.
De Tate Taylor. Avec Emily Blunt, Justin Theroux, Haley Bennett. États-Unis. 1h45. Sortie le 26 octobre
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