Bizarre et décalé, SPLIT bute sur des écueils narratifs, mais s’avère au final une captivante oeuvre théorique d’introspection.
Affublé de vingt-trois personnalités, Kevin (James McAvoy) kidnappe trois adolescentes. Pour elles, un compte à rebours mortel commence… À l’instar de son précédent film, THE VISIT, le nouveau M. Night Shyamalan, SPLIT, n’a pas la grandeur de ses meilleurs. Son travail visuel n’est pas en cause: Shyamalan témoigne une énième fois d’un sens du cadre affolant. Il multiplie de superbes gros plans visage tirant partie de la performance grandiloquente, en mode Laurence Olivier 2.0, de James McAvoy, et aligne quelques très belles idées de mise en scène – deux travellings compensés tissant un lien métaphorique entre deux scènes, notamment. Si Shyamalan a également toujours un talent de conteur évident – la première heure danse avec brio sur son étrangeté et son décalage; la dernière demi- heure n’est pas loin d’être prodigieuse d’efficacité, avec son score bruitiste et son montage au cordeau –, il bute aujourd’hui sur des écueils qui, comme sur THE VISIT, empêchent SPLIT de se hisser au niveau de ses grandes œuvres. SPLIT se révèle souvent bavard et l’un de ses ressorts –des séances de thérapie– ne fonctionne pas franchement. Dans sa construction et dans son intrigue, SPLIT ne fait pas non plus preuve d’une grande inventivité. Déjà vu? Sans doute. Mais ces reproches volent en éclat face au programme caché et captivant de SPLIT. Après THE VISIT, qui étudiait ses ambitions et la manière dont le cinéma contemporain les étouffait avec une esthétique qui se « fout des standards cinématographiques », Shyamalan creuse son propos méta textuel dans une introspection cathartique. Histoire de dépression, mais aussi de résilience, portrait du pouvoir contenu dans le sentiment, même le plus accablé (« Les gens brisés sont les plus évolués », entend-on dans le film), SPLIT fait la chronique du passage à vide connu par Shyamalan. Dans un grand élan narcissique néanmoins touchant et passionnant, il décortique son cinéma et joue tous les rôles: il est autant Kevin – les multiples personnalités comme image des univers et histoires qui vivent dans la tête d’un storyteller– que les adolescentes captives – victimes d’un démiurge. Maître et esclave de son talent, de son image, de ses succès et échecs, de ses histoires, Shyamalan ouvre ici son cœur mais ne s’apitoie pas. Dans THE VISIT, il s’alignait sur son époque, tout en la confrontant. Dans SPLIT, il étudie l’artiste qu’il est mais dresse aussi un génial doigt d’honneur – à la fois sidérant et exaltant, vain et insultant– à tous ceux, y compris nous, qui ont mythifié son cinéma. SPLIT n’est peut-être pas un grand film mais il est, de toute évidence, une grande œuvre théorique.
De M. Night Shyamalan. Avec James McAvoy, Anya Taylor-Joy, Betty Buckley. États-Unis. 1h56. Sortie le 22 février
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