GET OUT : chronique

24-04-2017 - 21:46 - Par

GET OUT : chronique

Habile et furieusement malin, Jordan Peele ressuscite le cinéma parano 70’s avec une histoire tordue sur fond de racisme. Une véritable thérapie de choc, flippante et hilarante, qui regarde les démons de l’Amérique en face. Du grand cinéma façon série B, politique et cathartique.

GetOut-Critique-PosterC’est peu dire qu’en l’espace de quelques jours, GET OUT est devenu un phénomène américain. Sans stars majeures, réalisé par un comique noir américain (d’ordinaire en duo) que l’on n’attendait pas là, produit par Jason Blum, le film de Jordan Peele a littéralement retourné le box-office US. Mais plus qu’une performance économique, GET OUT est devenu, à l’image de LA LA LAND, le symbole d’un retour festif du public au cinéma. Si GET OUT secoue l’Amérique de rire et d’effroi, c’est pour son plus grand bien. Il y a quelque chose, en effet, de contagieux dans ce cinéma qui connaît ses classiques et ose revenir au romanesque débridé pour regarder d’un peu plus haut et un peu mieux notre époque. Il y plane un esprit vintage qui n’est autre qu’une façon de faire du cinéma direct et malin, sans forfanteries ni dispositif concept. On avait presque oublié à quel point l’angoisse, la tension ou le doute pouvaient être aussi forts quand on évitait de sombrer dans l’ultra- réalisme cra-cra et le dégueu façon électrochoc. Chez Jordan Peele, un regard, un visage, un sourire trop insistant vous trottent dans la tête, vous inquiètent et vous font imperceptiblement vous recroqueviller sur votre fauteuil. Et ce dès la scène d’ouverture. Un jeune Noir marche dans la rue, la nuit, dans un quartier résidentiel. Une voiture au loin, qui roule trop lentement. Soudain le spectre du cinéma horrifique de Carpenter n’est plus loin. Mais aussi celui de la comédie afro-américaine, avec son goût pour les personnages excessifs et son humour désabusé très ironique, qui désamorce les clichés raciaux. Tout est là dans une séquence flippante et drôle à la fois, à l’issue étrange et presque trop douce pour les codes du genre. Ici est résumé tout le ton d’un film minutieux, très intelligent, qui vous amène à douter de tout, à recomposer tout ce que vous voyez en permanence à l’aune autant du rire que de l’effroi. La présentation de Chris, jeune photographe noir, à la famille bourgeoise, très blanche, de sa petite amie Rose ? Autant un parfait sujet de comédie très MON BEAU-PÈRE ET MOI qu’un drame politique à la DEVINE QUI VIENT DINER ?. Alors, Jordan Peele navigue au milieu, façon QUATRIÈME DIMENSION ou CONTES DE LA CRYPTE et crée par une désarmante bonhomie une angoisse palpable qui interroge autant la paranoïa du héros que celle du spectateur. Il y a quelque chose qui cloche chez ces « adorateurs d’Obama », c’est sûr ! Ce soupçon, mâtiné d’évènements étranges et anodins, questionne le « mauvais esprit » de l’époque, le « politiquement correct », les tensions communautaires, les clichés persistants et produit un malaise salvateur des deux côtés de l’écran. Quand le film bascule et révèle de manière inattendue son sujet, le grotesque se mêle au politique et décuple la puissance d’un film aussi littéral que métaphorique sur la place de la culture afro-américaine dans l’Amérique post-Obama. Le fait- divers attendu était en fait une fable, voire carrément une farce. Les amateurs de torture porn et d’horreurs graphiques risquent d’être déçus. Mais le frisson de GET OUT est bien plus trouble, bien plus malin et surtout plus tordu. En jouant ainsi avec nos nerfs et nos préjugés, Jordan Peele rappelle, à la manière d’Hitchcock, que l’horreur se cache toujours dans les sous-entendus. Un véritable coup de maître.

De Jordan Peele. Avec Daniel Kaluuya, Allison Williams, Catherine Keener. États-Unis. 1h44. Sortie le 3 mai

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