Cannes 2017 : HAPPY END / Critique

22-05-2017 - 07:39 - Par

Cannes 2017 : HAPPY END

De Michael Haneke. Sélection officielle, compétition.

Synopsis officiel : « Tout autour le Monde et nous au milieu, aveugles. » Instantané d’une famille bourgeoise européenne.

Où s’arrête le style et où débute la formule ? Que différencie le film-somme du film-redite ? Ces questions se posent irrémédiablement devant HAPPY END, nouvelle réalisation de Michael Haneke. Car loin du brio, notamment formel, de certains de ses anciens films – y compris ceux dont on pense le plus grand mal pour leur propension épuisante à la manipulation et à la moralisation –, Michael Haneke semble simplement ne rien avoir à dire ou à montrer avec HAPPY END. Ou du moins, rien avoir à dire ou montrer de plus que tout ce qu’il a pu faire jusqu’à présent. Qui plus est, sans la même verve. S’ouvrant sur une simili session de Facebook Live en plan fixe à l’iPhone, HAPPY END se saisit immédiatement du dispositif voyeur de CACHÉ, remplaçant la cassette et sa nature organique par la vidéo numérique, les réseaux sociaux et leur caractère dématérialisé. Pourtant, dès ces premières minutes, Michael Haneke semble déjà hors jeu. Comme dépassé, il ne fait rien de ce regard sur les nouvelles technologies – rien de comparable au jeu de rembobinement des cassettes dans CACHÉ, par exemple – et très vite, il ne fait aucun doute que son propos sur la bourgeoisie ne connaîtra aucune réelle révolution ou même légère inflexion. Lancé sur la voie du film-somme, il remixe allègrement AMOUR, CODE INCONNU ou CACHÉ, s’essaie à l’autocitation et au clin d’œil nombriliste en forme de vrai-faux univers partagé, preuve que le fan service n’est pas réservé qu’aux franchises hollywoodiennes. Mais rien ne prend. Tout simplement parce que le cinéaste fait ici preuve d’une paresse manifeste. Dans son récit tout d’abord, accumulation de scènes vides de tout enjeu émotionnel ou narratif, animés de personnages en forme de résurrections ectoplasmiques d’anciens protagonistes ‘hanekiens’. Dans sa mise en scène, ensuite, faite de longs plans (fixes ou pas) interminables, composés sans génie, parodie délavée de sa raideur millimétrée formaliste passée. Dans sa direction d’acteurs, enfin, particulièrement rigide : les dialogues, sur-écrits, ne peuvent qu’être ânonnés par des acteurs qu’on sent perdus, hagards, quand ils ne sont pas (mal) doublés parce que non francophones (Franz Rogowski, vu dans VICTORIA). Le pire étant qu’avec ce HAPPY END au titre ironico-p’tit malin, Michael Haneke ne génère tout simplement… rien. Que l’on aime ou pas son cinéma, le cinéaste autrichien a toujours su susciter des réactions fortes, d’emballements ou de colère, d’admiration ou de répulsion. Cinéaste du malaise à l’état brut, Michael Haneke ne se dépêtre ici jamais d’un ennui poli, mais certain. Lui qui, par le passé, faisait de son public son jouet, pour le meilleur ou pour le pire, n’en fait ici que des spectateurs passifs qui attendent en bâillant l’éventuel moment provoc’ flagellatoire concocté par le réalisateur. Moment qui ne vient jamais, même pas lors de la dernière séquence, davantage vectrice de gêne que de tension.

De Michael Haneke. Avec Isabelle Huppert, Jean-Louis Trintignant, Toby Jones. France/Autriche. 1h50. Sortie le 18 octobre

 

 

 

 

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