Cannes 2017 : LOVELESS / Critique

17-05-2017 - 23:31 - Par

Cannes 2017 : LOVELESS

D’Andreï Zviaguintsev. Sélection officielle, compétition.

Synopsis officiel : Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris est en couple avec une jeune femme enceinte et Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser… Aucun des deux ne semble avoir d’intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans. Jusqu’à ce qu’il disparaisse.

Un plan peut suffire à un film pour qu’il devienne mémorable. LOVELESS foudroie dès son premier quart d’heure, quand, lors d’une scène banale d’engueulade entre un homme et une femme qui vont divorcer, une porte se referme et révèle, comme on met une claque à quelqu’un pour le réveiller d’un état léthargique, leur enfant qui pleure à gros sanglots. On ne saurait décrire l’électrochoc de cinéma que Zviaguintsev a su mettre en scène. C’est peut-être de la magie qui émane de cette symbiose parfaite entre l’action à l’écran et la réaction dans la salle. De là, quand les parents vont chacun vaquer à leur occupation adultère, leur « nouvelle vie », le spectateur reste hanté par la vision de ce môme. Absent ensuite de l’écran, il manque au film, cruellement et viscéralement, on espère le retour de ce pauvre enfant au cœur-même du récit alors que la révélation se fait jour : il a disparu. LOVELESS est un film qui juge et qui met le spectateur de son côté en lui demandant de juger aussi. Qui ? Cette mère indigne qui ne cesse de répéter qu’elle n’aurait jamais dû tomber enceinte et ce père démissionnaire qui promet amour et fidélité à des femmes qu’il va probablement tromper. Mais aussi une société qui s’est bâtie autour de la famille tout en la désagrégeant. Qui adore la religion sans vraiment savoir ce qu’est la morale. Au milieu de ces repères perdus, une poignée de bons samaritains vont tenter de retrouver ce gosse et palier le désintérêt général qu’il suscite, mais la bonne volonté, est-ce vraiment suffisant ? Difficile de tenir un film sur le même niveau d’intérêt pendant plus de deux heures quand il ne parle que d’une poignée de personnages très antipathique – le film est globalement misanthrope et peut-être même un peu misogyne, alignant les mères monstrueuses et les compagnes capricieuses. On visite une Russie tour à tour anonyme ou en ruines, en quête d’une trace d’innocence. Et la conclusion vient d’elle-même – et Zviaguintsev n’est clairement pas le plus subtil des réalisateurs russes : ce pays qui s’est anciennement targuer de protéger son peuple via l’idéal communiste a oublié ce qu’était l’amour et, de génération en génération, de conflit qu’il génère en conflit dont il profite, perpétue ce manque d’amour comme une norme de vie. La Russie d’aujourd’hui semble tout à fait apathique. Ça lui permet au moins de faire de bons films…

D’Andreï Zviaguintsev. Avec Mariana Spivak, Alexei Rozin, Matvei Novikov. France/Russie. 2h08. Sortie le 20 septembre

 

 

 

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