Cannes 2017 : AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS / Critique

21-05-2017 - 13:35 - Par

Cannes 2017 : AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS

De Kiyoshi Kurosawa. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Synopsis officiel : Alors que Narumi et son mari Shinji traversent une mauvaise passe, Shinji disparaît soudainement et revient quelques jours plus tard, complètement transformé. Il semble être devenu un homme différent, tendre et attentionné.
Au même moment, une famille est brutalement assassinée, et de curieux phénomènes se produisent en ville. Le journaliste Sakurai va mener l’enquête sur cette mystérieuse affaire.

Kiyoshi Kurosawa n’en finit plus de jouer avec les formes et les genres. Dans VERS L’AUTRE RIVE (lui aussi présenté à Un Certain Regard, en 2015), il décalait son regard sur le film de fantômes, préférant la tragédie poétique à l’horreur fantastique. Une démarche creusée dans le récent SECRET DE LA CHAMBRE NOIRE. Avec son nouveau projet, AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS, Kurosawa invite à une nouvelle étude formelle et narrative en s’attaquant à un genre très couru du cinéma hollywoodien : l’invasion extraterrestre. La première séquence s’avère à ce titre particulièrement maligne. Kurosawa y met en scène une grande violence – agression sanglante et accident de la route – en embrassant à la fois une spectacularisation frontale ‘à l’américaine’ et son goût très affirmé pour le hors-champ. En un sens, il hybride immédiatement le genre en mariant son esthétique personnelle marquée à un inconscient pop hollywoodien – dans la première séquence, la musique emprunte à RETOUR VERS LE FUTUR tandis que le reste de la partition rappelle celles de GREMLINS ou THE BURBS. Par la suite, AVANT QUE NOUS DISPARAISSION se fait plus retors, voire ambigu quant à ses influences. Filmé sans ambages, un panneau de protestation rappelle que nombre de Japonais ne supportent plus la présence militaire étasunienne sur l’archipel. En descendant logique de L’INVASION DES PROFANATEURS, AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS vibre de sa métaphore politique – et si l’alien, c’était l’Américain, qui envahit les esprits, cannibalise la culture locale et la remplace par la sienne ? Une dimension passionnante, triste, inquiète et enragée, nourrie par des images particulièrement fortes et dérangeantes – des visages dénués de toute émotion ou scarifiés de sourires figés. Entre accès subits de violence et saillies burlesques, AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS s’assume clairement comme un spectacle parfois malaisant. Au-delà, Kurosawa construit également un touchant récit poétique. Avant la politique, la violence, la paranoïa, il sonde l’amour et la manière dont un couple tente de se retrouver. Une trame humaine où la mise en scène ultra-précise de Kurosawa, faite de ces longs plans où acteurs, caméra et décors fusionnent, prend tout son sens : dans la longueur des prises, il essaie de réunir ce que les événements ont éloigné. Cinéaste de la disparition, Kurosawa capte la peur primale de perdre ce qui nous caractérise – ici, la compréhension d’idées qui font de nous des êtres singuliers mais sociaux, comme l’individualité, la liberté, la famille et, bien entendu, l’amour. Cette richesse thématique et émotionnelle joue parfois contre le film : comme débordé par ce foisonnement, Kurosawa se perd en scènes redondantes ou en errances dont on peine à voir l’utilité. AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS y perd forcément en efficacité et en rythme. Jusqu’à un climax et un épilogue qui rattrapent ces dérapages et ancrent définitivement le film dans une sensible émotion et une idée captivante : dans l’adversité, on se doit de « repenser toutes nos idées » – celles qui nous lient comme celles qui nous désunissent ou nous asservissent.

De Kiyoshi Kurosawa. Avec Masami Nagasawa, Ryuhei Matsuda, Hiroki Hasegawa. Japon. 2h09. Prochainement

 

 

 

 

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