Cannes 2017 : WIND RIVER / Critique

21-05-2017 - 12:38 - Par

Cannes 2017 : WIND RIVER

De Taylor Sheridan. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Synopsis officiel : Cory Lambert est pisteur dans la réserve indienne de Wind River, perdue dans l’immensité sauvage du Wyoming. Lorsqu’il découvre le corps d’une femme en pleine nature, le FBI envoie une jeune recrue élucider ce meurtre. Fortement lié à la communauté amérindienne, il va l’aider à mener l’enquête dans ce milieu hostile, ravagé par la violence et l’isolement, où la loi des hommes s’estompe face à celle impitoyable de la nature…

Avec son deuxième film de réalisateur, Taylor Sheridan affirme avoir voulu clore une trilogie, débutée en tant que scénariste avec SICARIO et COMANCHERIA, consacrée à « la Frontière américaine moderne ». De nombreuses passerelles relient donc WIND RIVER aux films de Denis Villeneuve et David Mackenzie. Avant tout, on y retrouve une acuité évidente pour la caractérisation des personnages, parfois définis en un détail, un regard, un non-dit. Le chasseur de prédateurs et l’agent du FBI de WIND RIVER n’ont rien à envier à leurs homologues de SICARIO et COMANCHERIA. Débutant comme archétypes, ils se déploient scène après scène avec une certaine finesse, dans des fêlures écrites avec soin puis creusées et/ou résolues souvent dans l’action. L’alchimie qui unit Jeremy Renner à Elizabeth Olsen, qui retrouvent enfin des rôles à leur mesure loin des ectoplasmes transparents qu’ils incarnent chez Marvel, la délicatesse de leur interprétation portent littéralement WIND RIVER. Grâce à eux, Sheridan transmet avec d’autant plus de force son propos sur la condition amérindienne, entre dénuement total et addictions diverses, lien perturbé à la nature et isolement du monde. « On a l’habitude de ne pas être aidés », lance mi-ironique mi-résigné le chef de la police de la réserve, tandis qu’un père, lui aussi natif américain, se dit « fatigué de lutter pour cette existence ». Comme dans COMANCHERIA, Taylor Sheridan offre une voix vibrante à toutes celles et ceux que l’Amérique triomphale n’a de cesse d’oublier en cours de route. Et, à ce niveau, WIND RIVER se révèle peut-être plus tragique que COMANCHERIA dont les protagonistes, même aculés et poussés à l’irréparable, parvenaient à prendre leur existence en main pour tenter de faire payer le système qui les oppresse. Les victimes de WIND RIVER, elles, sont forcées au silence non seulement par leurs bourreaux mais aussi par des autorités qui les ont confinées dans des étendues enneigées désertiques invivables. Le mérite de l’écriture de Sheridan est de mettre à jour ces souffrances à travers une enquête qui déterre, indice après indice, la manière dont l’Amérique a soumis puis oublié toute une population. Malheureusement, dans cette trame policière passionnante, captée avec urgence par une caméra à l’épaule maîtrisée, WIND RIVER n’a pas toujours la finesse de ses intentions. Si quelques dialogues de COMANCHERIA se révélaient sur-signifiants et didactiques, David Mackenzie domptait ces dérapages. Taylor Sheridan, s’il est un scénariste désormais expérimenté, reste un cinéaste débutant. Entre plans au symbolisme appuyé (des loups encerclant des agneaux) et répliques sentencieuses, WIND RIVER a les maladresses d’un premier film. Rien qui ne mine son efficacité narrative ou émotionnelle, mais suffisamment pour l’empêcher d’être à la hauteur de SICARIO et COMANCHERIA.

De Taylor Sheridan. Avec Elizabeth Olsen, Jeremy Renner, Jon Bernthal. Etats-Unis. 1h51. Prochainement

 

 

 

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