DUNKERQUE : chronique

19-07-2017 - 15:54 - Par

DUNKERQUE : chronique

Grand film de mise en scène – grand film tout court –, DUNKERQUE transcende le cinéma de Chris Nolan : en filmant un enfermement à ciel ouvert, le réalisateur se libère de sa propre cage et signe son long-métrage le plus indiscutable et le plus vibrant.

Fin des années 2000, Christopher Nolan fut attaché à un projet d’adaptation cinématographique de la mythique et séminale série télévisée LE PRISONNIER. Rien d’étonnant puisque la plupart des héros « nolaniens » sont soumis à l’enfermement – d’une mémoire défaillante dans MEMENTO, d’un trauma originel dans la trilogie DARK KNIGHT, d’une quête insoluble à travers le temps et l’espace dans INTERSTELLAR, d’un rêve dans INCEPTION, d’un simulacre dans LE PRESTIGE etc. Une figure récurrente majeure que l’on retrouve dans DUNKERQUE, dès son premier plan – quelques soldats naviguent d’un bord à l’autre du cadre, rebondissant sur ses limites, comme cloîtrés dans l’image. Une scène introductive comme la profession de foi de la mécanique du film, oxymore visuel qui enferme les personnages dans des cadres à ciel ouvert. La plage, la mer et le ciel occupent souvent le cadre à égalité, barreaux métaphoriques, dans des compositions millimétrées, écrasant les soldats jusqu’à les limiter à une fonctionnalité basique – des corps en quête de survie –, forcément urgente. DUNKERQUE floute toutes les frontières – jusqu’à celle qui sépare musique et sound effet. Plus de haut ou de bas, d’horizontal ou de vertical, de bâbord ou de tribord. Plus aucun repère n’existe, jusque dans cette narration dont les trois intrigues se déploient sur trois temporalités – une semaine au sol, un jour sur un bateau, une heure dans un avion. Au départ volontairement fragmentaire, cette structure narrative finit par mener les intrigues à se répondre, à s’entrecroiser, à se rejoindre. Cette construction redoutablement pensée et calculée – DUNKERQUE est un grand film de mise en scène – n’oblitère pourtant pas le facteur humain. Nolan s’est toujours affirmé comme un architecte de mécanismes parfaitement huilés, quasi mathématiques. Parfois jusqu’à l’aridité émotionnelle mais pas dans DUNKERQUE qui, dans ses atours de climax anxiogène permanent atteint une apogée viscérale souvent bouleversante. Croulant sous les images sidérantes à la puissance d’évocation vertigineuse, DUNKERQUE parvient à replacer l’humain au centre de tout. En un sens, il transcende le cinéma minimaliste de Chris Nolan. Réalisateur de la retenue – sans doute plus maladive que pudique –, il trouve dans DUNKERQUE le sujet parfait pour sublimer cette réserve. Derrière le brio du film, derrière le talent éminemment visible de son auteur, DUNKERQUE émeut ainsi par son élégance. Prisonniers, les héros « nolaniens » cherchent tous à retrouver ce qu’ils ont perdu. Dans le cas de DUNKERQUE, encore plus que leur désir de revoir leur patrie ou leur foyer, tous semblent courir après cette dignité que la retraite met à mal. Là réside le cœur vibrant du troisième acte – sans doute le quart d’heure le plus poignant de tout le cinéma de Nolan. Digne, DUNKERQUE l’est. Car par-delà le désastre militaire, il célèbre un triomphe humain.

De Chris Nolan. Avec Fionn Whitehead, Tom Hardy, Mark Rylance, Cillian Murphy, Barry Keoghan, Harry Stiles, Kenneth Branagh. États-Unis/Royaume-Uni. 1h47. Sortie le 19 juillet

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