AU REVOIR LÀ-HAUT : chronique

25-10-2017 - 09:30 - Par

AU REVOIR LÀ-HAUT : chronique

Dupontel déborde d’ambition pour une fresque historique sur la France des gueules cassées. Brillant… même un peu trop !

Possible succès en salles (qui serait plutôt mérité), AU REVOIR LÀ-HAUT a les défauts de ses qualités. À la fois populaire et complexe, ce sixième film de Dupontel regorge de trouvailles esthétiques et d’idées de cinéma. Sa caméra virevoltante ose les travellings impressionnistes sur l’enfer des tranchées, les décadrages et les contre-plongées grotesques pour mieux rire et s’effrayer de l’horreur des hommes et même les envolées poétiques et surréalistes pour redonner un peu de grâce à cette période défigurée. C’est souvent foncièrement beau, étonnant, avec ce qu’il faut de méchanceté et de bizarrerie pour éviter de justesse l’écueil sépia de la « Jean-Pierre Jeunisation ». Pourtant quelque chose bloque. Confondant un peu vitesse et précipitation, Dupontel noie légèrement l’émotion et la rugosité de son sujet (la France post 14-18 et la tragédie des gueules cassées) sous la virtuosité de ses inspirations. Passionnant quand il se réapproprie les codes narratifs et esthétiques du cinéma muet (les grands montages, l’esthétique expressionniste), le film patine dès qu’il s’agit de nouer l’émotion par les dialogues. Si la prestation quasi muette de Nahuel Pérez Biscayart en soldat défiguré impressionne, une partie des personnages restent à peine esquissés et manquent d’ampleur. La faute sûrement à une adaptation trop condensée et à une exécution un peu rapide du roman foisonnant de Pierre Lemaître. Là où l’écrivain étirait les séquences, prenait le temps de superposer toutes les strates de la société d’après-guerre pour donner une ampleur quasi allégorique à son intrigue, Dupontel accélère le rythme pour le meilleur (la beauté du geste) et le pire (l’affaiblissement des rouages de la tragédie). Il peut néanmoins compter sur le génie comique de Laurent Lafitte, merveilleux et parfait salaud, pour donner du mordant à son récit. À la fois grotesque, terrifiant et humain, il synthétise à lui seul les enjeux de cette histoire d’arnaque aux monuments aux morts et de rédemption poétique. Entre un soldat aux mille visages et une ordure flamboyante, Dupontel réalisateur célèbre son amour des monstres. Hélas le Dupontel acteur a du mal à trouver sa place. Hormis une magnifique séquence de dîner où, grimé en Buster Keaton, le comédien rappelle toutes les nuances de son jeu, son personnage sans qualités (passionnant dans le livre) est quasiment réduit ici à l’état de simple fil conducteur. Toutes ces contrariétés mises à part, il faut saluer la générosité et l’ambition de cet AU REVOIR LÀ-HAUT qui sait, dans ses meilleurs moments, allier l’exigence artistique à l’élégance du récit populaire.

D’Albert Dupontel. Avec Nahuel Pérez Biscayart, Laurent Lafitte, Albert Dupontel. France. 1h57. Sortie le 25 octobre

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