BORG McENROE : chronique

08-11-2017 - 09:58 - Par

BORG MCENROE : chronique

Le formidable portrait croisé de deux légendes du tennis alors qu’elles s’affrontent à Wimbledon en 1980.

Björn Borg était ce joueur silencieux, intérieur, taxé de faire régner un froid scandinave terrible sur les cours. Le tennis, ce sport si sérieux, si guindé, de bonne éducation… prêt à être saccagé par McEnroe, explosif, qui engueulait les arbitres et le public, jamais content. L’Américain et le Suédois, antagonistes de caractère et de jeu, ont peut-être partagé davantage que 14 rencontres mythiques. Alors que Wimbledon 1980 approche, Borg a déjà sept ans de carrière pro dans les jambes et s’interroge. Il est populaire, riche, imbattable, mais l’ascension de McEnroe, petit nouveau excité et excitant, le force à l’introspection. Car finalement les deux se ressemblent plus qu’il n’y paraît. BORG MCENROE a des airs de biopic du Suédois mais finalement ce biopic devient impossible à mener sans John McEnroe, comme si les vies des deux joueurs s’éclairaient l’une et l’autre. Comme si Borg, inébranlable et impénétrable colosse, n’avait été intéressant à raconter que lorsque McEnroe, ne vivant lui-même que pour faire tomber son héros, est venu le bousculer. Sous forme de psychothérapie express (Borg se peint au présent mais surtout en flashbacks), le film est un éclairage fascinant sur les névroses de la compétition, sur les traumatismes émotionnels du haut niveau. Car si Borg apparaît comme le personnage le plus complexe du film – l’interprétation de Sverrir Gudnason est avare en sourire mais forte en subtilité –, se dessine en contraste le deuxième portrait, plus ramassé mais non moins captivant, de McEnroe, prêt à tout trahir pour le tennis. C’est là que Shia LaBeouf fait des merveilles : quand dans un perturbant mélange de fiction et de réalité, McEnroe baisse la tête, abasourdi par son impopularité, triste de ne pas être aimé. Shia LaBeouf étant plus connu pour ses frasques que reconnu pour son talent, pourtant immense, l’impact est foudroyant. Le film s’équilibre alors entre le récit développé, cérébral et sentimental sur Borg et le récit explosif, sanguin et presque poétique sur McEnroe. Des portraits précis de deux hommes qui exprimaient différemment la même détermination. Le parcours époustouflant du vétéran Borg percute le temps d’un film celui, plein de promesse, de son fan McEnroe, trois ans son cadet. Même s’il est réalisé sans coup de génie, BORG MCENROE, tout à ses personn(ag)es, distend intelligemment le temps – si relatif chez les sportifs professionnels. Il orchestre, de manière métaphorique ou concrète, les télescopages des valeurs, des sentiments, des expériences, des deux champions et les rapproche avec sensibilité. Jusqu’à la dernière rencontre, la plus belle.

De Janus Metz Pedersen. Avec Sverrir Gudnason, Shia LaBeouf, Stellan Skarsgård. Danemark/Suède. 1h48. Sortie le 8 novembre

4Etoiles

 

 

 

 

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