LA LUNE DE JUPITER : chronique

22-11-2017 - 14:18 - Par

LA LUNE DE JUPITER : chronique

Kornél Mundruczó orchestre le combat du cynisme et du merveilleux dans ce formidable faux film de super-héros.

Avec WHITE GOD, Kornél Mundruczó s’est ouvert au mainstream, plongeant ses ambitions sociales et politiques dans le cinéma de genre. Sous influences de Pierre Boule ou George Orwell, il imposait un postulat fantastique dans un contexte lourd de montée de l’extrémisme en Europe. Le pacte qu’il propose au spectateur est, cette fois, encore plus fort. Il lui demande de croire qu’un réfugié qui vient d’arriver en Hongrie, sous les tirs de la police qui l’a laissé pour mort, est devenu capable de s’envoler, comme Superman s’élevant au-dessus des Hommes. Le médecin du camp va exploiter son incroyable capacité pour flouer des patients. L’Europe, terre promise, est une terre corrompue. Kornél Mundruczó renvoie dos à dos les autorités et le quidam, les deux ayant bafoué les idéologies de l’Europe. L’esprit à ras de terre, pouvons-nous encore concevoir que l’étranger nous illumine ? Mundruczó n’a pas tout à fait confiance dans le cinéma de divertissement. Effrayé que le message passe mal dans ce faux film de super- héros, il souligne un dialogue par ci, met l’emphase sur un geste, ramenant sans cesse au cinéma d’auteur pur un film qui pourtant est un pur film de SF, piochant idées et plans au genre post-apo, qu’il mâtine d’un peu de film noir. Hélicoptères, tunnels plongés dans les ténèbres, appartement miteux… Tout y est, savamment intégré dans un contexte au réalisme cafardeux. Et ce qui rappelle au réel, en permanence, c’est cette caméra toujours en mouvement, ces longs plans au plus près de l’action, cette fluidité et cette proximité qui ne mentent pas. L’artifice réduit à son minimum – la plupart des effets sont pratiques et non spéciaux –, le merveilleux est au coin de la rue, subjuguant. La puissance visuelle de Mundrúczó est totalement libérée du joug du réalisme social si européen. Le film s’ouvre sur l’échappée d’Aryan en trois plans séquences, faits de prises de vue sous-marines et de travellings à toute blinde, jusqu’à ce qu’on lui tire dessus et soudain… la grâce d’un corps qui s’élève. Qu’il filme à l’énergie ou à la virtuosité, Mundruczó a faim de cinéma, d’images évocatrices, de politique dans le film de genre. En exploitant et en réarrangeant la plupart des codes du cinéma commercial américain, il parvient à livrer un vrai film politique et grand public, profondément européen. Il subsiste des maladresses – l’emploi d’un acteur géorgien pour jouer un médecin hongrois l’a forcé à un doublage approximatif – mais le résultat est d’une intégrité dont le monde d’aujourd’hui, sa cible préférée, ne peut pas se targuer.

De Kornél Mundruczó. Avec Merab Ninidze, György Cserhalmi, Zsombor Jéger. Hongrie. 1h40. Sortie le 22 novembre

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