LA FORME DE L’EAU : chronique

21-02-2018 - 08:07 - Par

LA FORME DE L’EAU : chronique

Avec l’affection pour les monstres qui le caractérise, Guillermo del Toro signe une touchante fable romantique. Son meilleur film ?

Depuis une dizaine d’années, on croyait avoir un peu perdu Guillermo del Toro. Non pas qu’il signait de mauvais films. Mais de HELLBOY 2 à CRIMSON PEAK en passant par PACIFIC RIM, son cinéma semblait de plus en plus stérile émotionnellement, comme s’il peinait à faire émerger son cœur des exercices de style un peu mécaniques qu’il s’imposait à travers des genres très spécifiques – le comic book movie, le female gothic, le kaiju eiga. Toujours bourré d’idées visuelles et mus par une grande sincérité, ses films n’avaient néanmoins plus la puissance de son meilleur opus jusqu’à présent, L’ÉCHINE DU DIABLE. Jusqu’à LA FORME DE L’EAU qui, dans sa filmographie, fera sans doute office de climax: cette fable romantique submerge le spectateur d’intentions et d’émotions. En 1962, à Baltimore, Elisa (Sally Hawkins), femme de ménage muette dans un laboratoire américain, fait la connaissance d’un homme-amphibien (Doug Jones) qu’un agent secret cruel (Michael Shannon) torture sans relâche pour en percer les secrets et les pouvoirs. Entre Elisa et la créature, la fascination se transforme en amour. LA FORME DE L’EAU n’effectue aucun virage significatif dans le cinéma du réalisateur mexicain: tous les marqueurs de son style sont là, presque par le menu. Un récit se déroulant dans le passé, à une période politique trouble – ici, la guerre froide –, comme un portrait en miroir de notre présent. Une créature qui, au contact des hommes, rappelle que le plus monstrueux n’est évidemment pas celui qu’on croit. Le temps qui passe inexorablement, confrontant les protagonistes à leur mort prochaine et à leur solitude quotidienne. L’amour comme solution à cette mortalité et à cette aliénation. L’imaginaire comme palliatif – avec ici, une ode au pouvoir de fascination et d’évasion du cinéma. Pourtant, tous ces éléments s’agencent avec plus de cohérence, Del Toro les fait siens et les embrasse plus naturellement, plus fermement – une voix off introductive parle, sans détour, de « la vérité de ces faits ». Porté par l’humanisme de son propos – un portrait mélancolique de l’homosexualité et amer du racisme ordinaire –, LA FORME DE L’EAU vibre de l’élégance insufflée par Del Toro à chaque image, notamment grâce à ses sublimes décors de studio rétro et à sa mise en scène – les seuls personnages parvenant réellement à communiquer sont les deux qui ne prononcent jamais le moindre mot. Peut-être aussi que le cinéaste a trouvé en Sally Hawkins, qui livre une prestation à la fois résolue et gracile, l’actrice idéale pour véhiculer les émotions simples mais authentiques de son cinéma.

De Guillermo del Toro. Avec Sally Hawkins, Doug Jones, Michael Shannon. États-Unis. 2h03. Sortie le 21 février

4Etoiles

 

 

 

 

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