THE DISASTER ARTIST : chronique

07-03-2018 - 10:13 - Par

THE DISASTER ARTIST : chronique

James Franco s’attaque au mythe nanar Tommy Wiseau et en brosse un portrait peu flatteur. Le film a le coeur au bon endroit.

On l’a vu avec la récente venue de Tommy Wiseau et Greg Sestero en France : leur film THE ROOM, réputé comme le pire jamais réalisé, bénéficie d’une certaine aura mais on peine toujours à cerner si les aficionados du phénomène rient avec le film ou du film. Il y a beaucoup moins d’ambiguïté chez James Franco, type controversé et artiste un peu imbu de lui- même : Tommy Wiseau sera souvent le méchant de l’histoire. Il en a le toupet, le charisme et, lui aussi, l’assurance mal placée. Tommy, étrange garçon au look vaguement gothique et à l’accent de l’Europe de l’Est, va fasciner l’apprenti acteur Greg Sestero, joué par Dave Franco – le lien du sang entre Dave et James avorte toute allusion à une éventuelle attirance sexuelle entre les deux amis. Greg est plus beau que Tommy, plus timide et moins entreprenant mais au contact du grand chevelu flamboyant, il est confiant. Tentant leur chance à Los Angeles, mais constatant que leur carrière reste au point mort, ils vont autoproduire leur film, THE ROOM, avec le compte en banque mystérieusement bien garni de Tommy. Sauf que Tommy a beau avoir une vision, il n’a aucun sens artistique, et il est aussi mauvais réalisateur qu’acteur. Et tous ceux qu’il a embauchés au charme et à l’esbroufe vont déchanter, Greg le premier. Avouons que James Franco a mérité son Golden Globe : avec quelques prothèses et un accent bien senti, il donne corps à ce mec étrange, au regard illisible et aux envolées tonitruantes. Il faut le voir et l’entendre, en plein fast-food, déclamer les lignes de Shakespeare et les extorquer à Sestero pour comprendre quel genre de force intimidante dégage Wiseau, mais aussi son interprète. Une force comme une violence. Franco est clair sur le caractère démiurgique et antisocial de son personnage face à son équipe. Parce qu’il est là, le sujet. Le temps d’un simple dialogue entre une poignée de comédiens (dont Jacki Weaver et Josh Hutcherson, très convaincants), Franco raconte le sacerdoce de l’artiste. Moins pour vivre de sa passion que pour vivre sa passion, il doit se coltiner les apprentis cinéastes, les faux producteurs, les artistes maudits, les misogynes, les gros cons. Les nuls. Ceux qui ont l’argent et donc le pouvoir. Cet étrange miroir à la situation hollywoodienne actuelle se termine toutefois sur une drôle de note morale, où l’on pardonnerait tout à l’incompétence sous prétexte qu’elle serait inoffensive et nous renverrait une meilleure image de nous. Personne ne sort grandi de THE DISASTER ARTIST mais le film interroge, autant en riant qu’en pleurant, notre rapport intime à la médiocrité.

De James Franco. Avec James Franco, Dave Franco, Seth Rogen. États-Unis. 1h44. Sortie le 7 mars

4Etoiles

 

 

 

 

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