L’AFFAIRE ROMAN J. : chronique

13-03-2018 - 19:32 - Par

L’AFFAIRE ROMAN J. : chronique

Dan Gilroy brosse le portrait d’un activiste et de sa relation complexe avec son époque et son environnement.

Lorsqu’il se retrouve sans cabinet où travailler, après le départ forcé de son associé, Roman J. Israel, avocat des droits civils, recherche sa place dans la société. Cet ancien activiste, un vieil iPod rivé sur les oreilles crachant soul, funk et blues, hésite entre œuvrer pour des associations noires et reprendre un poste au sein du grand cabinet qui a mis la main sur toutes les archives et les affaires de son ancien lieu de travail. Plusieurs routes s’offrent à cet homme droit et idéaliste et plus d’une pourraient le corrompre. Le film, écrit et réalisé par Dan Gilroy (le très décevant NIGHT CALL), le suit sur les trois semaines qui vont changer sa vie. Pourquoi avoir décidé que l’histoire se déroulerait sur un si court laps de temps? Dan seul le sait… Rien de ce qu’il relate, qu’il s’agisse des péripéties ou du changement psychologique de son héros, n’est crédible en vingt jours. Une aberration scénaristique qui décrédibilise d’emblée L’AFFAIRE ROMAN J. Le temps qui passe est pourtant une donnée essentielle de cette étude de personnage. Dan Gilroy veut analyser comment vieillit l’engagement politique et s’il est soluble dans les luttes contemporaines pour l’égalité. Roman J. Israel cogne sa galanterie sur le récif du féminisme, son sens de la communauté sur celui de l’individualisme. Et forcément, ses idéaux se fracassent sur le désenchantement et le matérialisme ambiants. Malheureusement, ces thèmes fascinants sont dissouts dans un récit mal tenu, qui furète du côté de la love story, du thriller, de l’allégorie. Au final, on n’y voit plus très clair dans ce film qui en contient une bonne dizaine, tous très différents dans le ton ou le sens. À trop vouloir en raconter, Gilroy épuise son personnage, qui n’a bientôt plus d’autre intérêt que la formidable prestation de Denzel Washington – un peu trop Actor’s studio par moments, mais suffisamment énervée et énergique pour captiver et émouvoir – et ses face-à-face avec Colin Farrell. L’alchimie entre les deux comédiens crève l’écran, d’autant que le rôle de Farrell, qui démarrait comme le cliché de l’avocat cynique, s’avère bien plus complexe et intéressant, puisqu’il cristallise ce que la société d’aujourd’hui devrait apprendre des visionnaires d’hier. Quel gâchis : un film probablement très pertinent et bourré d’idées sociales et politiques frémit derrière cette comédie dramatique, mal fichue mais visant clairement les Oscars. On retient toutefois que L’AFFAIRE ROMAN J. s’accroche à ses zones de gris et refuse obstinément toute sorte de manichéisme, au risque d’apparaître antipathique. Une prise de risque à souligner.

De Dan Gilroy. Avec Denzel Washington, Colin Farrell, Carmen Ejogo. États-Unis. 2h09. Sortie le 14 mars

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