ALPHA : chronique

21-08-2018 - 11:03 - Par

ALPHA : chronique

Un anachronisme industriel rafraîchissant (scénario original, pas de star au générique, aucune ambition de franchise) handicapé par son écriture simpliste mais porté par quelques belles idées – visuelles, notamment.

 

« Dans la vie des origines, la pitié n’existait pas. On la prenait par erreur pour de la crainte, et de tels malentendus menaient à la mort. Tuer ou se faire tuer, manger ou se faire manger : telle était la loi ; et il obéissait à ce commandement issu des profondeurs du Temps. » Ces mots écrits par Jack London dans « L’Appel sauvage » viennent en tête devant ALPHA – l’histoire, il y a 20 000 ans, de la survie d’un jeune garçon en pleine nature hostile. Keda, laissé pour mort lors d’une chasse au bison initiatique, se réveille et fait face au plus grand défi de sa vie. Lui que l’on considérait trop faible parce qu’il refusait d’achever un porc, trop pur car miséricordieux, va devoir retrouver le chemin de son village sans aucune aide. Attaqué par une meute de loups, il blesse l’un des canidés mais refuse de le tuer. Une amitié indéfectible se noue alors entre Keda et celui qu’il va désormais nommer Alpha. Ensemble, ils appliquent les mots chers à Jack London : « tuer ou se faire tuer, manger ou se faire manger ». Là résidera sans doute un malentendu autour du propos d’ALPHA : s’il semble parfois légitimer la loi du plus fort, il n’est en fait qu’une histoire de survie et de résilience, le portrait d’un jeune garçon qui n’use de la nature que le strict nécessaire à sa subsistance. Destiné à un public pré-adolescent – noble intention – ALPHA se présente sous la forme d’un film d’aventure aux atours surannés. Son sentimentalisme, notamment, pourtant plutôt maîtrisé, pourra dénoter. Mais Albert Hughes (qui travaille ici en solo sans son frère Allen) insuffle une contemporanéité par ses choix esthétiques qui, à défaut d’être inédits, se révèlent plutôt idoines. En faisant un recours volontaire à l’artifice – alliage voyant mais voulu entre l’organique et le numérique, le studio et le décor naturel ; élans de stylisation à la Zack Snyder (tableaux en CGI, sur-ralentis) ; saillies symboliques et psychédéliques  –, Hughes rend son univers encore un peu plus fantasmatique. Dommage donc, que certaines images de synthèse ne soient pas à la hauteur ou que le cinéaste flirte parfois avec une iconographie de posters de fêtes foraines. Le handicap principal d’ALPHA reste toutefois son écriture. Si ce qui lie Keda et Alpha est amené avec patience, avec quelques véritables moments d’émotion à la clé, les enjeux et l’intrigue, en ligne claire, apparaissent trop simplistes. Le récit, précipité, dénué de moment d’errance, manque alors d’ampleur. En dépit de ces défauts, ALPHA reste assez plaisant à suivre. Une proposition plutôt singulière, aux quelques audaces (les rares dialogues ne sont pas en anglais), qui a le mérite de ne pas se soumettre corps et bien aux recettes actuelles des gros films de studio.

D’Albert Hughes. Avec Kodi Smit-McPhee, Johannes Haukur Johannesson. États-Unis. 1h36. Sortie le 22 août

3Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.