SAUVAGE : chronique

29-08-2018 - 10:03 - Par

SAUVAGE : chronique

Comment un film aussi trash peut-il être aussi tendre ? Brutal et merveilleusement vivant et romantique, SAUVAGE bouleverse.

 

Premier film entêtant, SAUVAGE n’est jamais là où l’attend. C’est une qualité rare de cinéma. On s’imaginait un roller coaster hardcore façon film d’auteur engagé prêt à nous mettre le nez dans les bas-fonds de la prostitution masculine de rue avec un cocktail sexe/drogue/violence à la clé. C’est au contraire un film plein d’élan, de pudeur et de grâce. Si Camille Vidal-Naquet n’élude et n’angélise absolument rien de la situation critique de Léo, jeune prostitué SDF, c’est l’humain et le vivant qui l’intéressent derrière la mécanique des corps qui s’achètent. Filmant son héros avec une caméra portée très présente (quasi ange- gardien du personnage), il refuse de sombrer dans le glauque du fait-divers pour privilégier un aspect très quotidien. Le ballet des voitures, l’attente au bord de la route, les passes comme autant de rencontres improbables, la violence qui ronge, l’ennui et puis l’amour, bel et bien là mais qui n’ose pas dire son nom… Les scènes de sexe s’enchaînent, brutes mais jamais voyeuristes. On s’étonne de rire tant le prosaïsme et la spontanéité des dialogues amènent du naturel dans des situations qui nous paraîtraient à première vue scabreuses. C’est peut-être là l’une des grandes forces du film: donner à voir et à comprendre ce que la société préfère taire. C’est troublant comme Vidal-Naquet réussit à insuffler de l’humanité dans des séquences dérangeantes, de l’humour là où le tragique s’invite, du lyrique dans le choquant, de la grâce dans les décombres. Comme si les Dardenne avaient réécrit HUSTLER WHITE de Bruce LaBruce, SAUVAGE capture la réalité crue pour en faire du cinéma tendu, vivant, en un mot humain. C’est un vieil homme qui s’épanche sur sa solitude, un tabassage filmé comme un geste d’amour ou de l’impudeur pudique face à une médecin… Camille Vidal-Naquet trouve constamment une façon de déjouer les préjugés et d’offrir aux séquences une tonalité surprenante, une profondeur inattendue. Mais pour oser ce grand écart stylistique, il fallait une troupe à la hauteur. Au milieu d’une bande de comédiens inconnus tous parfaits (notamment Eric Bernard, boxeur amoureux étonnant), Félix Maritaud irradie le film d’une énergie furieuse et juvénile. Mais là encore, Camille Vidal-Naquet dirige l’acteur, très physique, avec une précision émotionnelle et un art de la nuance qui donnent à ce vagabond amoureux une grâce et une belle profondeur. Une élégance à l’image d’un premier film qui a eu l’intelligence de préférer la force d’une mise en scène au choc de son sujet. « Toi tu es fait pour être aimé », dit-on à Léo. On confirme.

De Camille Vidal-Naquet. Avec Félix Maritaud, Eric Bernard, Philippe Ohrel France. 1h39. Sortie le 29 août

4Etoiles

 

 

 

 

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