22 MILES : chronique

29-08-2018 - 10:04 - Par

22 MILES : chronique

Peter Berg troque l’élégance de ses derniers films contre une énergie qui tache et le ton élégiaque contre une morale abasourdie. A priori plus puéril, 22 MILES est finalement plus tourmenté.

 

Après trois films tirés de faits réels, respectueux de ses sujets, déférents envers ses personnages, Peter Berg reprogramme son cinéma pour la fiction. Il crée de toute pièce ce personnage bigger than life de James Silva (Mark Wahlberg) qu’il présente sommairement dans un générique de série télé – le film, dont une suite est déjà prévue, pourrait être un pis-aller pour l’adaptation de L’HOMME QUI VALAIT TROIS MILLIARDS, toujours au stade embryonnaire – et le projette dans un pur actioner entre l’Amérique et l’Asie. Comme un cousin pulpy du ROYAUME, 22 MILES part en terre étrangère et ses « héros » américains vont à nouveau assurer une mission sous le regard mi-suspicieux mi-inquisiteur du pays hôte. Une cellule secrète de la CIA (Wahlberg, Lauren Cohan, Ronda Rousey…) doit neutraliser du césium – qui pourrait alimenter des têtes nucléaires – et protéger de Jakarta jusqu’aux Etats-Unis un informateur indonésien (Iko Uwais). Double vertu du postulat : mettre en scène des personnages qui doivent apprivoiser un environnement inconnu, voire hostile, et désenclaver l’Amérique pour la replacer dans un contexte mondial. Avec un style plus nerveux que d’habitude et un montage bien plus syncopé – jusqu’à, parfois, l’inconfort –, Berg réalise un film qui va vite, très vite. Dans cette course folle d’images et de sons (le film est très bavard), le seul ventre mou se situe au début, lors des présentations laborieuses des personnages et des enjeux. Le rythme s’emballe alors à nouveau pour ne plus faiblir. L’énergie dévorante que Berg déploie pour filmer les fusillades est démentielle. Son dynamisme cut emprunte clairement à Tony Scott mais il est hors propos lors des duels d’Iko Uwais (transfuge de THE RAID), artiste martial dont les aptitudes physiques méritent une caméra plus en retrait – une réalisation trop hargneuse annule toute la dimension spectaculaire de son style. Mais toute cette vigueur déployée est moins le symbole d’une Amérique fougueuse et véhémente qu’un trompe-l’œil. Pourtant toujours enclin à montrer les Américains comme résilients et unis face à l’ennemi, Peter Berg met en lumière ici un pays beaucoup plus fragile. En réhabilitant des sujets typiques du thriller d’espionnage de la Guerre froide, il replace 22 MILES sous des cieux politiques. Visiblement ébranlé par le peu de probité de l’administration actuelle, Peter Berg (rarement critique envers « le Pays ») livre une histoire comme un conte moral d’action, à la fin perplexe, où le sort de l’Amérique serait suspendu à la volonté de ses ennemis. Plus que le cinéma post-11/9, le thriller moderne s’inquiète, non pas des attaques sur son propre sol, mais de sa perte d’indépendance. Peter Berg a trouvé avec 22 MILES comment mettre son patriotisme en colère au service d’un gros divertissement de multiplexe. Débridé et intelligent.

De Peter Berg. Avec Mark Wahlberg, Lauren Cohan, Iko Uwais. États-Unis. 1h35. Sortie le 29 août

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