THE SPY GONE NORTH : chronique

06-11-2018 - 12:11 - Par

THE SPY GONE NORTH : chronique

Comme JSA de Park Chan-wook, THE SPY GONE NORTH se saisit du conflit coréen nord/sud pour raconter le désastre humain.

 

Alors que l’on vit actuellement un rapprochement entre les deux Corées, sort THE SPY GONE NORTH, histoire vraie d’un espion sud-coréen infiltré au Nord dans les années 1990 sous le nom de code Black Venus pour récolter des informations sur le programme nucléaire de Kim Jong-il. Mais sa position-clé, à cheval sur les deux camps, lui donne une certaine hauteur de vue sur les relations complexes qu’ils entretiennent. Sa présentation en Séance de minuit au dernier Festival de Cannes est trompeuse. THE SPY GONE NORTH ne répond en rien aux sous-entendus sulfureux de cette case horaire. Au contraire, le film de Yoon Jong- bin (connu pour NAMELESS GANGSTER et KUNDO) relève davantage d’un cinéma cérébral à suspense que d’un cinéma physique typiquement coréen. Comme dans le cinéma de Spielberg, un grand personnage un peu banal – lui-même incarné par l’un des meilleurs acteurs sud-coréens actuels, Hwang Jung-min – va revendiquer la place de l’humain dans un système déshumanisant. Lui, seul contre tous, ramène la guerre psychologique et nucléaire à hauteur d’homme. Ses convictions bercées par les certitudes du monde libre, il va confronter sa définition de la démocratie à sa définition de la dictature et négocier sa désillusion. Joignant le geste au message, Yoon Jong-bin fait d’abord un vrai film de personnages, privilégiant une mise en scène discrète et subtile, rapprochant par le symbole, le verbe et l’espace les deux Corées, aux effets de réalisation spectaculaires et dynamiques du thriller typique. Déterminante dans l’énergie désespérée du film, la silhouette élégante de Hwang Jung-min, dont le joyeux dégingandage se brise soudain en un accablement bouleversant, et son visage assombri par la détresse est soudain illuminé par la malice. Film complexe, reflet d’une tension inextricable, THE SPY GONE NORTH ose traiter Kim Jong-il comme un vrai méchant, défini par des motivations, des réflexions, des émotions, là où le cinéma se contente souvent, par peur de pécher par excès de psychologie, d’aborder ce genre de personnages comme des pantins du mal. Il n’y a rien qui rende plus honneur aux héros que de leur écrire des antagonistes qui en soient dignes. La deuxième heure, quand les enjeux se durcissent et deviennent plus concrets, est indubitablement plus efficace que la première, trop confuse. Le film peine à démarrer et son jeu de piste entre Séoul, Pékin et Pyongyang peut même décourager les plus attentifs. Mais quand il décolle et prend ses personnages par les grands sentiments, THE SPY GONE NORTH résonne avec les peurs et les émotions contemporaines de la plus fulgurante des manières. 

De Yoon Jong-bin. Avec Hwang Jung-min, Lee Sung-min, Cho Jin-woong. Corée du Sud. 2h21

4Etoiles

 

 

 

 

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