HIGH FLYING BIRD : chronique

07-02-2019 - 20:37 - Par

HIGH FLYING BIRD : chronique

Steven Soderbergh retrouve son acteur de THE KNICK André Holland pour une étude réflexive et critique des mécanismes du sport américain.

 

Steven Soderbergh ambitionne depuis des lustres de poser sa caméra dans le monde du sport américain. À la fin des années 2000, il devait ainsi réaliser LE STRATÈGE avant que Sony ne lui retire le projet, sa vision étant à l’époque considérée trop expérimentale. On n’est donc pas étonné de le voir ouvrir HIGH FLYING BIRD – qui se déroule dans le monde du basket NBA – par ce qui avait cristallisé les peurs de Sony concernant LE STRATÈGE : des interviews en noir et blanc de véritables athlètes, conduites par Soderbergh lui-même. Pourtant, ne pas se fier aux apparences : si le premier plan de HIGH FLYING BIRD fanfaronne et trimballe avec virtuosité sa caméra dans les couloirs d’un resto comme une Steadycam arpenterait avec vivacité un parquet, ce n’est pas le spectacle exaltant du sport que souhaite filmer le cinéaste. Certains de ses personnages se plaignent du jeu que jouent les tenants de la NBA au-delà du jeu de basket lui-même, alors pour illustrer leur frustration, HIGH FLYING BIRD entend oublier le sport et autopsier ses coulisses, ses règles invisibles, s’intéresser à ce que les fanas de ballon rond ne peuvent ou ne veulent pas voir. La ligue NBA étant paralysée depuis six mois par des renégociations financières entre le syndicat des basketteurs et celui des propriétaires d’équipes, l’agent de joueurs Ray Burke (incroyable André Holland, virevoltant et écrasant de charisme) va tenter un coup de poker pour relancer la machine. Voire la révolutionner. Tout comme THE KNICK, précédente collaboration entre Soderbergh et Holland, HIGH FLYING BIRD dissèque sans détour ni demi-mots le « privilège blanc ». Sous la plume de Tarell Alvin McCraney, dramaturge dont une des pièces semi-autobiographiques a inspiré MOONLIGHT, les tractations qui se trament ici deviennent un véritable jeu politique. Tout d’abord déployé sur le ton badin et aérien, hautement confortable, d’un OCEAN’S 11, le propos se fait peu à peu beaucoup plus affûté et grinçant. L’industrie du sport professionnel américain serait-elle un moyen de contrôle des Blancs sur les Noirs et sur leurs talents ? Peu importe que le spectateur soit au fait ou pas de l’univers NBA : la démonstration, complexe et ambivalente, se construit implacablement scène après scène et agit comme un miroir grossissant dont les frontières dépassent celles du sport. Entre longs plans laissant ses acteurs prendre les rênes et coupes ou ellipses percutantes, Soderbergh met à profit la légèreté et la rapidité d’un tournage à l’iPhone pour bâtir une entreprise véloce, féroce, où le pragmatisme n’empêche jamais les envies voire la nécessité, inéluctable, de révolte.

De Steven Soderbergh. Avec André Holland, Zazie Beetz, Bill Duke, Melvin Gregg. États-Unis. 1h33. Sur Netflix le 8 février

4Etoiles

 

 

 

 

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