MARIE STUART REINE D’ÉCOSSE : chronique

26-02-2019 - 17:17 - Par

MARIE STUART REINE D’ÉCOSSE : chronique

Metteuse en scène de théâtre réputée outre-Manche, Josie Rourke réalise son premier film : une franche réussite, subtilement singulière.

 

Peut-être parce qu’ils tentent de rendre crédible un temps révolu qu’on imagine poussiéreux, les films d’époque sont plus prompts que d’autres à sombrer dans l’académisme, dans une solennité artificielle censée apporter sérieux et respectabilité. D’autant plus quand ils se frottent à la grande Histoire, celle des manuels d’école et des événements fondateurs d’une nation. De par sa simple volonté de vouloir retracer les destins complexes de deux femmes de pouvoir (Marie Stuart, donc, et Elisabeth Ière, reine d’Angleterre, campées par Saoirse Ronan et Margot Robbie, toutes deux impeccables), MARIE STUART REINE D’ÉCOSSE faisait donc face à une foule d’obstacles. Auxquels aurait pu s’ajouter l’inexpérience au cinéma de sa réalisatrice, Josie Rourke, si celle-ci n’affirmait pas ici, avec une aisance désarmante, l’acuité de son regard. Si des cinéastes optent pour des parti-pris visibles, voire outranciers, pour affirmer leur désir de dompter le film d’époque (comme récemment Yorgos Lanthimos dans l’excellent LA FAVORITE), Rourke fait montre de davantage de discrétion, sans pour autant tomber dans la timidité. Ou l’académisme, donc. On en veut pour preuve les quelques premières minutes, assez remarquables, où elle use de juxtaposition d’images que le spectateur ne peut réellement identifier (quelle reine suit-on de dos dans ces plans successifs ? Marie ? Elisabeth ? Les deux ? À quelles époques ?). Brouillant les pistes, floutant les temporalités et les identités, Josie Rourke tend également à rapprocher fugacement ses deux protagonistes, avant de mieux les séparer tout au long du récit qui va suivre. Afin de bâtir son propos par accumulation, le film se sert ensuite d’intrigues plus classiques, où les cours écossaise et anglaise s’affrontent à distance pour accroître ou minimiser l’emprise de Marie Stuart sur le trône anglais. Au-delà de la peinture historique et de la réalité des faits, qu’elle tord à sa convenance, Josie Rourke tire surtout un portrait plus universel et intemporel de la condition des femmes, cantonnées à des rôles d’épouses et de mères, jugées inaptes à l’action ou à la décision par des hommes corrompus par leurs désirs et leurs ambitions. Une construction minutieuse qui mène à une dernière demi-heure incroyable d’opératisme tragique, à la fois captivante et bouleversante, interrogeant l’impossibilité du sentiment de sororité dans un monde masculin. Sans s’annoncer, par de minuscules touches, de subtils décalages de ton ou de point de vue, MARIE STUART REINE D’ÉCOSSE impose sa personnalité, soulignant ainsi celle de sa réalisatrice.

De Josie Rourke. Avec Saoirse Ronan, Margot Robbie, Martin Compston. Grande-Bretagne. 2h05. Sortie le 27 février

4Etoiles

 

 

 

 

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