CAPTAIN MARVEL : chronique

05-03-2019 - 13:00 - Par

CAPTAIN MARVEL : chronique

Disney/Marvel sort son premier blockbuster dédié entièrement à une super-héroïne mais CAPTAIN MARVEL demeure malheureusement non événementiel.

 

Ça faisait quelques années que Disney/Marvel ne nous avait pas fait le coup de l’origin story (depuis DOCTOR STRANGE) mais l’arrivée dans le MCU de Captain Marvel, la super-héroïne surpuissante censée mener la nouvelle ligue post-ENDGAME, méritait certainement un film en guise de présentation. Retour dans les années 90 terriennes où Vers (Brie Larson) s’écrase chez nous après avoir échappé aux griffes des Skrulls. Elle est un soldat Kree, peuple en guerre contre les Skrulls, et ses souvenirs, flous, l’assaillant par bribes et indéchiffrables, intéressent particulièrement ses ennemis. Sur Terre, toujours poursuivie, elle va essayer de comprendre ce qui, dans sa tête, est si précieux. Aidée par l’agent Fury (Samuel L. Jackson, rajeuni de 30 ans par les studios Lola VFX, technologie d’une perfection inouïe), elle remonte la piste de son passé tout en élargissant les horizons extraterrestres des sceptiques de tout bord. Très peu de blockbusters Marvel osent la différence – à part BLACK PANTHER qui, de l’habillage musical à la direction artistique, pouvait revendiquer une singularité, ils ne varient tous que par leur ton, plus ou moins solennel, plus ou moins connivent. CAPTAIN MARVEL prend le parti du coup de coude insistant et du clin d’œil permanent : ne sachant pas trop quoi faire des années 90 dans lequel il évolue – une époque que 50% de son public n’a sûrement pas connue –, il opte pour la facilité. Blague sur la lenteur d’internet (trois fois et donc deux de trop), t-shirt Nine Inch Nails (caution faussement cool) et bande son jukebox à base de rock FM féminin (Garbage, Courtney Love, No Doubt…) – mais aussi Nirvana qui n’a rien à foutre là. Le film n’a que le déguisement de son époque, sans jamais parvenir à réifier une décennie qui pourtant visuellement a grandement contribué à la pop culture moderne. Impardonnable donc de voir que les réalisateurs Anna Boden et Ryan Fleck – on peut parler d’exécutants devant une forme totalement impersonnelle – font gueuler le « I’m just a girl » de Gwen Stefani sans être fichus de monter un combat en rythme. Zéro énergie, zéro sens cinématographique. Rien d’épique ou de puissant ne sortira de ce CAPTAIN MARVEL.

À part peut-être quand, dans un troisième acte plus galvanisant que le reste, Captain Marvel devient la Captain Marvel émancipée du joug de ses mentors, éclatante, en pleine possession de ses super-pouvoirs. Celle qui a la puissance, l’élégance et le charisme de mener la phase IV du MCU et d’être le contrepoids féministe à un univers jusque-là très masculin, voire un tantinet machiste. Sans militantisme, le film – coréalisé par un homme et une femme absents de la promotion – trouve toutefois les mots justes pour évoquer la manière dont les sociétés (même extra-terrestres, oui) dévalorisent les émotions féminines, assimilées à de l’émotivité, comme des freins au pouvoir, à la maîtrise et au commandement. C’est d’ailleurs ce qui rapproche CAPTAIN MARVEL de WONDER WOMAN : la science et la force ne sont pas les seules garantes de souveraineté, le sentiment et le lien à autrui assurent aussi une toute puissance. La délicatesse des émotions déjoue la brutalité hégémonique. On n’a jamais ri, pas même devant les nombreux gags autour de Goose, le chat torturé par des effets numériques indigents, utilisé comme un gimmick cacaprout pour nouveaux nés. Mais on a éventuellement eu quelques frissons devant la naissance d’une héroïne qui méritait clairement ses propres aventures. Dans sa quête identitaire, dans sa douceur et sa violence, mais aussi dans ce costume élémentaire et évident, il y a quelque chose qui nous touche et nous séduit. Que Marvel ne soit pas capable de lui offrir plus qu’un de ces blockbusters génériques qu’il produit à la chaîne nous exaspère au plus haut point.

De Anna Boden et Ryan Fleck. Avec Brie Larson, Samuel L. Jackson, Jude Law, Ben Mendelsohn, Lashana Lynch. Etats-Unis. 2h04. Sortie le 6 mars

2Etoiles

 

 

 

 

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