Cannes 2019 : ROUBAIX, UNE LUMIÈRE / Critique

22-05-2019 - 23:34 - Par

Cannes 2019 : ROUBAIX, UNE LUMIÈRE

D’Arnaud Desplechin. Sélection officielle, Compétition.

 

Synopsis officiel : Roubaix, une nuit de Noël. Le commissaire Daoud sillonne la ville qui l’a vu grandir. Voitures brûlées, altercations… Au commissariat, vient d’arriver Louis Coterelle, fraîchement diplômé. Daoud et Louis vont faire face au meurtre d’une vieille dame. Deux jeunes femmes sont interrogées, Claude et Marie. Démunies, alcooliques, amoureuses.

 

Qu’Arnaud Desplechin investisse le film policier ne peut qu’enflammer l’imagination. Comment lui, le roi du romanesque, le chantre d’un cinéma à l’élégance très littéraire, allait-il évoluer dans ce genre codifié et potentiellement ancré dans le réel ? Le début de ROUBAIX, UNE LUMIÈRE enthousiasme car, en un mouvement vertical de grue dans une rue déserte de Roubaix où brille le néon artificiel d’un commissariat, telle une reconstitution de studio, Desplechin semble nous assurer que son goût du romanesque, de sa retranscription si particulière du réel va être de la partie. Une impression renforcée par nos présentations avec le personnage principal de ROUBAIX, UNE LUMIÈRE, le commissaire Daoud. Un homme calme et posé, aux questions franches, tranchantes de précision. Un homme à qui on ne la fait pas, mais qui ne dérive jamais vers la colère ou l’arrogance. Respectueux de ceux qui entrent dans son commissariat et de ceux qu’il va interpeler dans la rue, Daoud, qui se bat « pour la vérité », apparaît immédiatement comme l’incarnation de l’esprit de la République, dont la mission est de protéger ses citoyens – contre eux-mêmes, contre autrui, contre la société. Fantasmatique et irréel, Daoud, superbement interprété par un Roschdy Zem digne, à la stature imposante de flegme, pourrait être une sorte de nouveau Maigret ultra-contemporain mais aux valeurs intemporelles. Malheureusement, cette proposition surannée mais évocatrice ne tient pas parce que Desplechin ne parvient jamais à tenir le cap du romanesque. Alors qu’il nous présente une mosaïque de cas, autour desquels gravitent divers policiers, le réel prend le pas. La caméra se fait parfois plus nerveuse. Les subordonnés de Daoud correspondent davantage à la figure du flic français tel que connue dans les documentaires (on pense forcément à Depardon) ou les émissions télé, reprise depuis dans des films comme POLISSE. Et là, un blocage irrémédiable s’effectue : ROUBAIX, UNE LUMIÈRE tente une hybridation entre le naturalisme et le romanesque sans que jamais la greffe ne prenne. Bien sûr, on admire la précision avec laquelle Desplechin déroule à l’écran la mécanique de garde à vue dans l’affaire qui devient le cœur du récit : il joue sur le langage, la répétition de phrases, l’alternance de bienveillance et de fermeté des policiers etc. Là, il obtient même une prestation assez bluffante de Sara Forestier, comme sortie d’un Ken Loach. Mais à ses côtés, Léa Seydoux, sans que la qualité de son jeu ne soit à remettre en cause, peine quant à elle à imposer la crédibilité de son personnage. Une disparité qui traduit parfaitement ce qui ronge le film et l’empêche d’atteindre l’efficacité de la fiction de genre d’un côté et la vérité du documentaire de l’autre.

D’Arnaud Desplechin. AvecRoschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier. France. 1h59. Prochainement

 

 

 

 

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