Cannes 2019 : THE CLIMB / Critique

18-05-2019 - 08:54 - Par

Cannes 2019 : THE CLIMB

De Michael Covino. Sélection officielle, Un Certain Regard.

 

Synopsis officiel : Kyle et Mike sont meilleurs amis depuis toujours et partagent un lien unique – jusqu’à ce que Mike couche avec la fiancée de Kyle. THE CLIMB raconte cette longue amitié haute en couleur entre deux hommes à travers des années de rire, de tristesse et de colère, et explore les limites (ou l’absence de) en amitié.

L’écran est encore noir, les logos des sociétés de production défilent, mais THE CLIMB a en réalité déjà débuté : les râles essoufflés de deux hommes se font entendre, comme engagés dans un coït passionné. La première image se dévoile enfin : Mike et Kyle sont en fait sur des vélos, à batailler avec l’ascension d’un col de faible catégorie dans l’arrière-pays niçois. La confusion crée déjà du sens : ces deux-là ne couchaient peut-être pas ensemble, mais une bromance très puissante les unit. De là, les deux scénaristes Michael Covino (qui réalise) et Kyle Marvin, également interprètes des deux rôles principaux, vont dérouler une comédie particulièrement attachante et maligne sur l’amitié comme histoire d’amour, le couple comme obstacle potentiel à la bromance, l’immaturité et la toxicité masculines – et comment la famille interagit avec tout ce bazar. On pourrait croire à un jeu de massacre sardonique à la Ruben Ostlünd mais THE CLIMB se révèle beaucoup plus tendre que ça, beaucoup plus généreux aussi, et bien plus amoureux de ses personnages. Proche de mécaniques humoristiques chères à la comédie américaine contemporaine – vannes tranchantes et situations gaguesques –, THE CLIMB se différencie par son traitement esthétique, ancré dans l’exigence d’un cinéma d’auteur européen. En sept segments disséminés sur plusieurs années, Covino et Marvin explorent l’amitié rocambolesque de leur duo par le truchement d’ellipses très calculées, de revirements narratifs dynamitant le récit et de ruptures de ton. Le tout, mis en image dans de longs et virtuoses plans-séquences (la mécanique s’assouplit dans le dernier tiers, mais chaque plan reste circonscrit à une prise sans coupe). Loin d’être un apparat cosmétique ou frimeur, le plan-séquence trouve ici une véritable justification dans la rigueur avec laquelle Covino l’exécute : mis en scène avec précision ils racontent en silence, créent la surprise ou le rire, et définissent avec soin les rapports entre les personnages. Jamais complaisants, ne filmant jamais l’inutile, ils assurent même une grande vérité de la comédie. On reste un peu plus coi devant les deux ou trois intermèdes musicaux (des fossoyeurs chantent un morceau de soul ; un couple de seniors danse en ski…) qui, s’ils insufflent une bizarrerie un peu bouffonne pas désagréable, étirent artificiellement la durée du film, qui perd alors en efficacité. Heureusement, Covino et Marvin, aussi bons acteurs que scénaristes et réalisateur, entourés d’autres comédiens en phase évidente avec leurs intentions, redressent toujours la barre, relancent toujours l’intérêt du film soit avec une idée visuelle (une ellipse en time lapse et en continuité du plan séquence), soit avec un rebondissement narratif malin. Ce qu’ils nous disent sur l’amitié, l’amour et la vie n’a rien de bien nouveau – ils le savent pertinemment, eux qui citent de manière très visible CÉSAR ET ROSALIE de Claude Sautet et LE GRAND AMOUR de Pierre Étaix dans le film. Mais ils le font avec une malice, une ambition, une modernité et une drôlerie qui emportent tout.

De Michael Covino. Avec Michael Covino, Kyle Marvin, Zina Wilde. États-Unis. 1h34. Prochainement

 

 

 

 

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