MON FRÈRE : chronique

30-07-2019 - 10:59 - Par

MON FRÈRE : chronique

Récit du passage d’un jeune homme en centre éducatif fermé, MON FRÈRE parvient à jouer sur les tableaux de la gravité et du romanesque, sans putasserie.

 

Dans un fourgon, des plans sur une arme, des menottes. Sans dialogue ni exposition, un jeune homme est emmené en détention. Ces premières images, qui renvoient directement à ceux d’UN PROPHÈTE laissent-elles entendre que, comme le chef-d’œuvre de Jacques Audiard, MON FRÈRE va examiner la manière dont la détention déshumanise et pousse à la mort de l’innocence ? Pas totalement, MON FRÈRE se concentrant en partie sur une idée de résilience. Julien Abraham se penche ici sur le destin de Teddy, qui se retrouve dans un centre éducatif fermé. Un jeune homme sans histoire jusqu’ici, d’apparence discrète mais au caractère pour autant très affirmé – campé avec justesse et poigne par le rappeur MHD. Si MON FRÈRE renvoie par moment à LA TÊTE HAUTE d’Emmanuelle Bercot dans certains mécanismes narratifs attendus et notamment son portrait des éducateurs, Julien Abraham assoit scène après scène un regard plus personnel, moins entièrement dépendant de tout socio-réalisme. D’autant qu’avec son 2.35 utilisé avec soin et sa lumière subtilement stylisée, le film se révèle esthétiquement soigné, loin de tout désir d’urgence documentariste. Avec sa narration en flashbacks, comme autant de cicatrices dans la psychologie de Teddy, MON FRÈRE dévoile patiemment les raisons de l’enfermement du jeune homme et, ce faisant, ses traumas et ses résiliences, ses révoltes et ses principes. Le cinéaste pose un regard très humain, jamais dans la complaisance ou la putasserie, sur ses personnages. S’il ne détourne pas le regard des humiliations, de la violence, des rapports de force qui animent les relations quotidiennes entre les différents adolescents, rapprochant ainsi les centres éducatifs fermés d’un microcosme carcéral chosifiant, il insuffle une véritable humanité à son tableau, et réussit à tendre par moments vers la tendresse connivente, voire la comédie. L’amitié naissante entre Teddy et un autre pensionnaire, Enzo (excellent Darren Musselet, boule d’énergie, de rage et de douleur), donne à la deuxième moitié de MON FRÈRE les atours d’un coming of age sentimental qui l’affranchissent de toute velléité trop fermement pédagogique, l’évitant ainsi de sombrer dans les pièges du film sujet. Une vraie réussite.

De Julien Abraham. Avec MHD, Darren Muselet, Aïssa Maïga, Jalil Lespert. France. 1h36. Sortie le 31 août

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