ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD : chronique

13-08-2019 - 18:23 - Par

ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD : chronique

Bien que dénué des aspects politiques des HUIT SALOPARDS, ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD n’en est pas moins inquiet et enragé. Le film le plus sentimental et triste de Tarantino à ce jour.

 

Quentin Tarantino n’a jamais caché sa peur de mal vieillir ni son intention de raccrocher après dix films, avant de n’avoir plus rien à dire. Mais il ne sait que trop la puissance que revêt un plan parfait projeté sur un écran. Comment croire que ce dévoreur d’images puisse s’épuiser d’en créer ? Cette peur hante néanmoins ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD, la crainte d’un artiste de devenir inutile et dépassé. Comment combat-il cette appréhension ? Par le fond. La forme. À chaque niveau de lecture et dans chaque image.

Rick Dalton (Leonardo DiCaprio), acteur en phase de tocardisation, rage de stagner. Flanqué de son cascadeur attitré, Cliff Booth (Brad Pitt), désormais son homme à tout faire, il accumule les guests dans les séries. Un jour, dans la maison voisine de la sienne, s’installent Roman Polanski et Sharon Tate (Margot Robbie). Bientôt rôde la menace de Charles Manson et de sa « Famille ». ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD n’est pas le film attendu. Moins immédiatement flamboyant qu’imaginé, le récit s’y expose lentement, trébuche avec sa voix-off hésitante à contredire les faits ou à les conter. Il erre, se perd, refuse consciemment tout souci d’efficacité. Tant mieux. Tarantino, qui avait dégraissé son style jusqu’à l’os dans LES HUIT SALOPARDS, parvient ici à un équilibre quasi parfait entre le petit malin de ses débuts, rigolard et post-moderne, et le cinéaste inquiet, énervé, qu’il est depuis devenu. 

Multipliant les faux films dans le film et ainsi les changements de format, de grain, de colorimétrie, ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD se déploie tout d’abord comme une exploration de la puissance de l’image cinéma. Des fresques de James Dean ornent les murs, des posters s’infiltrent dans chaque plan et Tarantino filme Brad Pitt au volant comme si le sort du monde en dépendait. Le cinéma est partout, aux sens propre et figuré. QT digresse et étire sans que le fil ne se casse, sans que l’on sache où il veut nous emmener. Tout est imagerie et iconisation – la photographie de Robert Richardson, charnelle et discrètement stylisée, y est pour beaucoup.

Puis vient une bascule imprévisible et imperceptible. Passée la balade dans L.A. et les arcanes de Hollywood, vient un long segment central, moelle du film et de son propos. En intercalant la journée de Rick sur le tournage d’une série et celle de Cliff dans un ancien ranch, Tarantino déroule un western fictionnel et un autre bien réel. Terminé les changements de format, de grain, de couleur : les images revêtent désormais toutes la même esthétique. L’effet est saisissant : fiction et réalité finissent par se ressembler, sauf que la seconde semble plus déglinguée que la première. Et… moins réelle : les cow-boys de fiction nous parviennent à travers des interprétations naturalistes crédibles quand la trame de Cliff expose un univers où tout apparaît décalé – Tarantino usant à la perfection de la nonchalance de Brad Pitt. 

Une collision entre réalité et fantasmes où Tarantino trouve l’une de ses plus belles idées : le has been devient un héros uniquement dans les yeux du spectateur. Une manière pour le cinéaste d’exorciser sa peur de devenir inutile et de se remettre entièrement entre les mains de son public. Il y a dix ans, il clamait dans INGLOURIOUS BASTERDS : « Ce pourrait bien être mon chef- d’œuvre. » Ici, il paraît nous laisser le choix et lâcher prise. « C’est pas du verbatim », lâche Cliff, sublime éloge d’un « réel à peu près » qui ne nie pas les horreurs du monde mais choisit de les ridiculiser par le cinéma. Tarantino signe son film le plus sentimental, le plus triste. Il capte à la fois la fin d’une ère et la possibilité d’un espoir, la potentielle fin d’une amitié et son immortalité. Comme souvent, les plus belles déclarations d’amour tentent de se cacher derrière l’ironie et la bravade. Mais derrière les éclats de rire de ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD, derrière sa durée homérique et son ambition trône un film à fleur de peau, hanté par la peur de ne pas être à la hauteur et en lutte perpétuelle pour l’être. Jamais le cinéma de Tarantino n’était apparu si ouvertement bouleversant. 

De Quentin Tarantino. Avec Leonardo DiCaprio, Brad Pitt, Margot Robbie, Timothy Olyphant, Margaret Qualley. États-Unis. 2h42. Sortie le 14 août

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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