AD ASTRA : Entretien avec James Gray

15-09-2019 - 11:34 - Par

AD ASTRA : Entretien avec James Gray

À quoi voit-on que le cinéma est loin d’avoir rendu son dernier souffle ? Des tuyaux des studios hollywoodiens émergent encore des propositions singulières qui ne collent pas aux canons de l’époque. Un cinéaste majeur comme James Gray est encore capable, après vingt-cinq ans de carrière, de livrer l’un de ses films les plus monumentaux. Deux raisons de se réjouir. Et de célébrer AD ASTRA avec une interview de son réalisateur.

 

Cet entretien a été publié au préalable dans le magazine Cinemateaser n°87 daté septembre 2019

 

« Passez le mot ! », nous exhorte James Gray lorsque nous partageons avec lui tout le bien que l’on pense de son dernier long-métrage, AD ASTRA – son premier pour un studio, dont le budget avoisinerait les 90 millions de dollars. Pour transmettre ce qu’est AD ASTRA dans toute sa densité artistique et émotionnelle, un mot ne suffira pas. Une palanquée de superlatifs non plus. Dès la première vision, une évidence frappe : celle d’assister à un très grand film, sûr de lui et de sa proposition, mais également d’une incroyable sensibilité et d’une indéniable fragilité, tant il ne répond à aucun canon, mainstream ou auteuriste, de l’époque. Fresque de l’intime où le spectacle ne serait qu’intérieur, AD ASTRA nécessitera de multiples visionnages pour que l’on tente, sans doute en vain, d’en épuiser toutes les richesses. Comme souvent chez James Gray, AD ASTRA est histoire de famille, de père et de fils : Roy McBride (Brad Pitt), progéniture d’un légendaire astronaute et explorateur de l’espace lui-même, apprend que son aîné (Tommy Lee Jones), porté disparu il y a plus de quinze ans lors d’une mission vers Neptune, est peut-être toujours vivant. Lui qui peine à tisser le moindre lien humain se lance dans l’ultime aventure : rejoindre l’autre bout du système solaire pour retrouver son père. AD ASTRA marque une évolution particulièrement touchante de James Gray qui, sans jamais perdre son acuité pour dépeindre les bleus à l’âme et les déraillements du monde, tend la main vers la résilience – la transcendance, comme il nous le dit. Une main tendue vers les étoiles, telle celle de Percy Fawcett dans l’un des derniers plans du déjà sublime THE LOST CITY OF Z, dont AD ASTRA apparaît souvent comme un compagnon en négatif. James Gray, fui par le succès commercial, ignoré en son pays, n’en est pas moins l’un des plus grands cinéastes contemporains. Pourtant, une idée revient sans cesse dans ses propos : laisser le spectateur décider ce qu’il voit dans ses films, laisser le critique analyser ce qu’il veut en comprendre. Une humilité qui contraste avec l’ambition parfois intimidante de son cinéma et d’AD ASTRA, somme insensée de classicisme et d’expérimental, dont on tente tout de même de dresser les contours avec lui.

 

Dans THE LOST CITY OF Z, l’obsession du père engloutissait tout. Dans AD ASTRA, vous optez pour un schéma différent, comme si les deux films se répondaient. Est-ce un hasard ?
C’est amusant la manière dont ces choses fonctionnent. Il y a quelque chose de tellement organique là-dedans… J’ai écrit AD ASTRA en 2011(THE LOST CITY OF Z a été développé à partir de 2009 puis tourné en 2015, ndlr). Et je crois que ce processus a influencé mon inconscient. Aujourd’hui, quand je regarde les deux films je ne peux que vous donner raison. C’est une évidence. En effet, dans THE LOST CITY OF Z, l’obsession du père engloutit son fils. Alors que dans AD ASTRA, le fils est capable de transcender l’obsession de son père, il a son propre chemin. C’est une idée bien plus optimiste. Que puis-je vous dire ? Je crois que je suis juste fatigué de la négativité ! Je ne crois pas pour autant que Roy soit destiné à mener une existence idyllique, sans aucun problème. Ce n’est pas comme ça que les choses fonctionnent. En revanche je pense que dans nos vies nous avons la possibilité d’avancer. C’est une idée très puissante. Et importante, je crois. Tout ça était présent dans mon esprit de manière consciente quant à l’histoire que je voulais raconter. Je savais que je voulais faire un film… le mot ‘optimiste’ n’est peut-être pas complètement juste. Mais un film qui, au moins, tende vers l’idée de transcendance.

Si on étend la réflexion, la famille a toujours été au centre de conflits dans vos films alors qu’ici, elle préside une quête de réconciliation et de résilience. Voyez-vous AD ASTRA comme un contrepoint ou un complément à vos précédents films ?
Il m’est impossible de penser consciemment à ce genre de choses. Et si je le faisais, je vous apparaîtrais à juste titre comme le cinéaste le plus écœurant et narcissique de l’histoire du monde ! Vraiment, je ne pense pas à tout ça consciemment. Mais quand je vous entends en parler, il est évident qu’une sorte de réconciliation, sans doute inconsciente, est en train de s’effectuer en moi. J’ai 50 ans. J’ai une merveilleuse épouse et trois enfants fantastiques. Ma vie est magnifique, à bien des égards – pas à tous les égards car, comme tout le monde, j’ai mes déceptions. À un certain point dans la vie, les idées de transformation et de transcendance prennent une grande importance. On ne peut pas être le Prince des Ténèbres ad vitam.

Même si Roy est en quête de lien avec son père, une idée centrale de votre cinéma demeure dans AD ASTRA, c’est cette volonté de briser le déterminisme. Pourquoi ce thème vous intéresse-t-il autant ?
Parce que… j’observe le monde et il ne m’apparaît pas que les gens puissent faire tant de choses que ça de leur vie, si ? Bien sûr, ce n’est jamais une excuse pour ne rien faire. Mais je ne sais pas si les gens ont vraiment l’opportunité de transformer complètement leur destin. On naît, on vit puis on meurt, tout ça dans un même cadre donné. Il y a des choses que l’on peut faire pour changer sa situation – à travers les erreurs que l’on fait, les bonnes actions que l’on accomplit. Mais ça reste à la marge, je crois. Plus longtemps je vis, plus de choses me semblent déterminées. Vous en pensez quoi ? Vous trouvez que les gens ont vraiment la possibilité de transformer leur existence ?

Jamais radicalement en tout cas.
J’essaie d’être un artiste – que je le sois ou pas, c’est au spectateur de décider. Et j’estime que ce n’est pas mon rôle d’artiste de mentir ou de vendre une fantaisie à laquelle je ne crois pas. Or, je ne crois pas à l’idée que nous soyons totalement responsables de notre malheur. À un certain degré, bien sûr, car notre comportement en tant qu’individu a son importance. Mais notre comportement importe dans un certain cadre uniquement parce qu’il y a des courants idéologiques et sociaux très puissants qui nous mettent dans des cases spécifiques. C’est mon travail en tant qu’artiste de ne pas mentir à propos de ça.

À travers ce thème, vos films ont une dimension sociopolitique sous-jacente. AD ASTRA finit même par être ce commentaire très fort et actuel sur l’immigration : dans l’espace, nous sommes tous des immigrants, en quelque sorte… Pensez-vous dissimuler la part politique de votre cinéma ?
Je ne sais pas. Je crois qu’il incombe à un artiste ou à toute personne créative de poser son regard sur ce qui ne va pas dans le monde. Pas sur ce qui va bien. Certains disent : ‘Il y a de l’espoir dans le film.’ Je comprends très bien mais c’est le cas de n’importe quel travail artistique. L’humain aura toujours de l’espoir. Si le monde devait finir demain et que vous étiez le dernier homme vivant, vous auriez encore de l’espoir. Vous espéreriez rencontrer une autre personne survivante ou tomber sur une boîte de sardines en conserve. On a toujours de l’espoir ! Mais la fonction de l’artiste n’est pas de vous dire que tout va bien se passer. La fonction de l’artiste est d’expliquer, d’illustrer, de mettre en lumière ce qu’il ou elle pense être sa vérité. En tout cas, selon moi.

Vous n’avez jamais eu peur des sentiments, même si c’est avec retenue. AD ASTRA est peut-être votre film le plus ouvertement sentimental… Est-ce un pan de votre travail que vous aimez ou contre lequel vous luttez parfois ?
Je n’aime pas les films sentimentaux. Le sentiment, en revanche, oui. Car le sentiment, c’est de l’émotion. Si je dois choisir entre sentimental et émotionnel… Je n’aime pas ce qui est sentimental, non.

Votre travail est émotionnel, donc.
Oh je ne sais pas, c’est à vous de juger. Mais si vous trouvez que mon cinéma est sentimental, je prendrais sans doute ça comme un échec. Parce que dans le sentimental, il y a la nostalgie. Les émotions ne sont pas construites organiquement. Les enjeux sont conçus pour créer une réponse spécifique un peu facile chez le spectateur. Voilà les connotations qu’induit le mot ‘sentimental’, pour moi. Alors je préférerais que mes films soient vus comme émotionnels. Mais encore une fois, c’est au spectateur de juger.

Vos films ne sont pas nostalgiques du tout, non. Ils n’ont juste jamais peur du sentiment. Dans LA NUIT NOUS APPARTIENT, deux frères se disent ‘Je t’aime’. Dans AD ASTRA, un fils dit à son père disparu qu’il aimerait le revoir, etc. Il y a de grands sentiments dans votre cinéma, quand même…
Je suppose que c’est vrai, oui. Pour moi, c’est le but du cinéma. Si un film n’essaie pas d’engager le spectateur émotionnellement, que cherche-t-il à faire ? C’est la mission de cet art et plus largement, du storytelling : créer des émotions et nous permettre de comprendre qui nous sommes, de comprendre les connexions qui nous unissent – ou le manque de connexion, d’ailleurs. Je ne comprendrais pas de passer deux ans de ma vie à travailler sur un film qui ne chercherait pas à être émotionnellement expressif. Quelle serait l’alternative ? Être intellectuellement expressif ? Pour ça, il suffit d’écrire un mémoire universitaire ! Ce n’est pas la fonction de l’art. Les toiles de Van Gogh ne sont pas fournies avec un mémoire universitaire à lire au préalable.

Les deux précédentes fois où nous nous sommes parlé, nous avons discuté de votre priorité de cinéaste : être fidèle à la nature de vos personnages et à la dramaturgie de l’histoire.
Oui, en effet.

Sur THE LOST CITY OF Z, nous avions parlé du danger potentiel de devenir, dans cette priorité, prisonnier des faits réels. Quelle forme prend cette priorité sur un film de SF comme AD ASTRA qui, s’il repose sur une dimension scientifique, dépend aussi de la pure imagination ?
La réponse la plus immédiate que je puisse vous donner serait de vous dire que c’est très chiant ! Il faut établir l’univers et ses règles. Il faut être clair à propos de cet univers mais aussi à propos de son aspect scientifique et de ce qui est plausible. Une fois que vous avez fait tout ça, vous pouvez commencer à raconter votre histoire. Il y a donc énormément de choses à établir. Du coup, ça rend les choses très difficiles. Prenons un exemple. Si vous racontez l’histoire d’un homme et d’une femme dans une pièce, de nos jours, vous pouvez faire des tas d’hypothèses ou de suppositions à partir de la manière dont ils sont habillés, d’où ils vivent, de leur apparence. Que ce soit positif ou négatif, on ne peut nier que l’on fait tous ce genre de suppositions. Maintenant, pour un film comme AD ASTRA, qui se déroule dans l’espace dans un futur proche, on ne peut pas le faire. Alors je dois m’assurer de bien établir l’univers, sans pour autant en être l’esclave. Pour moi, c’était l’élément le plus difficile.

Pourtant AD ASTRA est au final très frontal dès ses premières minutes. Vous n’avez pas ou peu d’exposition. Comment êtes-vous parvenu à disséminer, de manière presque imperceptible, l’univers et ses règles tout au long du récit ?
C’était très dur de trouver l’équilibre. À quel point je donne au public ? Quelle ampleur doit avoir l’exposition ? À quel point le public DOIT savoir ? Ça a vraiment été un travail incessant. Brad (Pitt, ndlr) m’a été d’une grande aide à ce sujet parce qu’il est très réticent à tout ce qui est exposition. Et moi, j’en avais probablement trop mis. Alors il ne cessait de me dire : ‘Non James, moins d’exposition. Moins. Moins.’ Et moi : ‘Non, il en faut plus !’ Il y a eu cet échange entre nous… Au bout du compte, ‘moins’ est sans doute préférable. Il faut laisser le public absorber un peu ce qu’il voit à l’image et, finalement, le laisser faire quelques suppositions. Mais vous savez, on a forcément besoin d’exposition et d’explications. Même 2001, aussi brillant soit-il, en a. Au tout début, il y a le carton ‘L’aube de l’Humanité’. Plus tard il y a le carton ‘La mission Jupiter, 18 mois plus tard’. Kubrick est très spécifique. Encore plus tard, il y a le carton ‘Jupiter et au-delà de l’infini’. Il nous dit tout ça, c’est ÉCRIT À L’ÉCRAN ! Il y a aussi l’émission de la BBC qui nous explique comment fonctionne HAL 9000. On a besoin de tout ça, d’installer un univers, de l’expliquer. Parce que si on ne le fait pas, le film devient totalement obscur et n’est au final destiné qu’à celui qui le réalise. Il faut permettre au spectateur de comprendre les règles du jeu.

THE LOST CITY OF Z se déroulait dans le passé. AD ASTRA dans le futur. On sait que le passé et le futur permettent de parler du présent. Mais avez-vous ressenti, ces derniers temps, une quelconque difficulté à regarder directement notre époque ?
J’aime beaucoup cette question mais encore une fois, vous m’interrogez sur une chose à laquelle je ne pense pas consciemment… Mais qui est clairement là… Se pencher sur
le passé est ce qu’on a de plus proche d’une machine à voyager dans le temps. Et souvent, quand on regarde en arrière, ça crée un sentiment de perte, de deuil. Ce sentiment est là dans les meilleurs films. Notamment dans ceux de John Ford : ses westerns débordent de cette idée de perte. Ça n’a rien de réactionnaire, ce n’est pas une envie de retourner dans le passé – ça, c’est de la nostalgie. Je ne parle pas de ça mais de comment les choses passées permettent parfois d’établir ce qui déraille dans le monde actuel. Je suis un grand admirateur d’AMARCORD, de Fellini. Il observe le passé avec un très grand sentiment de perte mais jamais avec nostalgie parce qu’il prend bien le soin de démontrer que la stupidité et le côté fantasque de ce qu’il filme est ce qui a préparé le terrain à Mussolini, au fascisme et à la guerre. Le sentiment de perte ne concerne donc pas quelque chose qu’on ne pourra jamais reconquérir, quelque chose qui n’était beau qu’auparavant – même s’il y a une idée d’irrémédiable dans le fait de vieillir et de faire face à sa mortalité. Le passé, ce sont aussi des erreurs. Au présent, les erreurs du passé sont démultipliées. Mais peut-on les rectifier dans le futur ? L’histoire d’AD ASTRA reflète cette idée, à travers la transcendance du héros.

Vous mentionnez John Ford. Or, devant AD ASTRA, je me suis demandé si faire un film qui se déroule dans l’espace ne revenait pas à réaliser un western – notamment à cause de l’idée de frontière. La poursuite sur la Lune revient presque à une attaque de diligence…
Ford est certainement un de mes cinéastes préférés alors je l’ai toujours forcément en tête. Mais pour être honnête, avec AD ASTRA, j’ai davantage pensé aux mythes grecs et notamment ‘Prométhée enchaîné’ d’Eschyle. J’ai aussi réfléchi aux mythes tels qu’exposés par Joseph Campbell. Le mythe du héros – pas le super-héros doté de pouvoirs illimités, qui remporte toutes les batailles. Le héros comme représentation d’une personne imparfaite, qui traverse une série d’épreuves et parvient à un certain niveau dans sa vie. C’est ça qui m’a guidé. En quelque sorte, j’ai essayé d’être plus élémentaire. Je n’ai pas cherché à m’inspirer d’autres films même si, bien sûr, il y a beaucoup de 2001 et d’APOCALYPSE NOW dans AD ASTRA. Mais ce sont des choix stylistiques. Les liens avec APOCALYPSE NOW sont visibles dans l’histoire : d’un côté, un homme doit aller à l’autre bout du système solaire, de l’autre un doit remonter la rivière etc. APOCALYPSE NOW est aussi une histoire d’expiation du père, en quelque sorte, même si Kurtz est une figure paternelle mythique et symbolique. Avec AD ASTRA, je voulais aller au-delà, donner ma version, même si 2001 et APOCALYPSE NOW sont de vraies pierres de touche pour moi. Je voulais être aussi personnel que possible parce que l’Histoire et les mythes naissent, selon moi, dans le microcosme du personnel.

Puisque vous parlez de 2001… Je sais que vous ne cherchez jamais à déconstruire les genres mais est-ce vraiment possible de réaliser un film tel qu’AD ASTRA sans être post-moderne ou du moins, sans jamais penser au post- modernisme ?
(Il réfléchit longuement) ‘Post-modernisme’ est un mot extrêmement chargé. Et selon moi, il ne peut vraiment exister aux yeux d’un artiste. On sait, depuis 1968, que nous sommes des enveloppes vides à travers lesquelles coulent toute une série de codes idéologiques et culturels. On sait, grâce à [Louis] Althusser (philosophe marxiste français du XXe, ndlr), que nous sommes les produits d’un appareil idéologique d’État. On sait, grâce à [Jacques] Lacan (psychanalyste français du XXe, ndlr), que nous sommes dirigés par le désir. Je ne devrais pas dire ‘On sait’ mais ‘On croit’ ou ‘Certains d’entre nous croient’. C’est ce à quoi je crois. Mais la déconstruction ne commence pas avec l’artiste, elle commence avec le public et avec le critique, avec la personne qui analyse. Je ne peux pas du tout penser consciemment au post-modernisme, au post-structuralisme, à [Claude] Lévi-Strauss (ethnologue et anthro- pologue français du XXe, ndlr), à Lacan, à Althusser, à [Jean] Baudrillard (philosophe français du XXe, ndlr), à Christian Metz (théoricien français du cinéma, ndlr)ou à tous ces gens, dont la vision et le brio ont donné naissance à une toute nouvelle manière de penser. Je ne peux fonctionner comme ça. C’est aux critiques de le faire ! Si j’y pensais, ce serait paralysant. On sait que se livrer à l’émotion, à une histoire et à des personnages, n’est qu’une connerie de fantasme. On le sait. Mais… on en a besoin ! Savoir que c’est une fantaisie ne signifie pas que ça n’a aucune d’importance.

Vous m’avez un jour confié votre rêve de mettre en scène un opéra – ce que vous allez faire cet automne à Paris avec ‘Les noces de Figaro’. Pensez-vous qu’un film se déroulant dans l’espace comme AD ASTRA est par nature opératique ?
Je ne sais pas… J’aime l’opéra pour ses
émotions très directes : elles sont là, à la surface, prêtes à être reçues. J’aime cette frontalité. C’est presque abstrait. De son côté, le
cinéma est plus intimiste. À l’opéra, au meilleur siège, vous serez toujours à six mètres
des artistes. Au cinéma, on a le gros plan.
C’est magique ! Je ne sais pas qui a été le premier à l’utiliser – sûrement pas les frères
Lumière. Je ne suis pas sûr que ce soit
Méliès. Peut-être Thomas Edison ou Edwin
Porter. Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit,
quelqu’un a eu cette idée, sans craindre que
le public soit terrifié de ne voir que la tête
d’un personnage ! Le pouvoir de voir un
visage d’une manière aussi intime, d’avoir la
possibilité d’y lire les gestes les plus grands
et les plus infimes de l’émotion, c’est très différent de l’opéra. Donc quand vous parlez d’opératisme, j’imagine que vous parlez d’un dévouement à l’authenticité de
l’émotion. Et ça, ça doit être au centre de
tous les films, selon moi. Je suis un grand fan
des Beatles. Une des raisons pour lesquelles
John Lennon est un immense chanteur, ou
Louis Armstrong, ou Ella Fitzgerald etc., c’est
parce qu’ils se sont abandonnés émotionnellement à leur musique. Ce doit être la même
chose au cinéma ou à l’opéra.

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AD ASTRA, de James Gray.
En salles le 18 octobre
Lire notre critique

 

 

 

 

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