THE IRISHMAN : chronique

27-11-2019 - 11:06 - Par

THE IRISHMAN : chronique

On comprend et on aime l’ambition de livrer un film de mafia définitif. On adhère moins à la manière.

 

Martin Scorsese pourrait réaliser THE IRISHMAN les yeux fermés, vous êtes en parfaite sécurité. Le film s’ouvre sur l’un de ces fameux plans en Steadycam dont le maître a le secret. Sauf qu’ici, la caméra ne fouille pas un casino ou un restaurant-club, sur une musique rock entraînante, mais une maison de retraite. Robert De Niro, sous les traits moribonds de Frank Sheeran, va nous raconter son histoire : il a été tueur pour la mafia italienne de New York et a même peut-être tué Jimmy Hoffa (Al Pacino), le syndicaliste star. Le film multiplie les allers-retours dans la mémoire du vieux monsieur. Mais Scorsese, accroché à ses acteurs comme si c’était la dernière fois qu’il les faisait jouer, a préféré la technique du de-aging pour les filmer à travers les époques, plutôt que de choisir des interprètes plus jeunes qui auraient pris leurs airs. C’est une abdication de l’imaginaire, quand se tient face à soi le comédien qui incarnait Marlon Brando à 20 ans dans un certain PARRAIN II (cité plusieurs fois)… La technologie – perfectible – a beau dérider les visages de Pesci, Pacino et De Niro, elle ne leur rajeunit pas le corps, qui trahit leur âge, avancé, surtout dans l’action. Ainsi, difficile d’avoir prise sur le temps qui passe alors même qu’il est là, le sujet du film. Est-ce ce casting vieillissant qui prive Martin Scorsese de sa souplesse naturelle, de son entrain visuel ? Les plans sophistiqués sont rares. On ne parle même pas de mouvement : dans SILENCE, Scorsese nourrissait ses cadres, même les plus fixes, de foisonnants détails. THE IRISHMAN, lui, trahit, si ce n’est un manque d’inspiration, du moins un simplisme qu’on ne connaissait pas à ses films. Qu’est-ce qui force le réalisateur des AFFRANCHIS à souvent couper court à la recherche formelle ? D’aucuns diraient que cette épure, ce dégraissage sévère de tout glamour, est en elle-même, à l’image d’une bande originale pas pop du tout, le message du film : être un gangster, un mafieux, c’est un sacerdoce qui désenchante une vie. Mais le doute persiste. Il y a des manières plus élégantes et plus cinématographiques de montrer que puissant ou faible, bon ou méchant, on finit toujours mort à la fin. THE IRISHMAN met environ deux heures et demie à exploser de cinéma comme s’il ne se justifiait que par sa fin, magistrale. Comme si les plus beaux plans du film, qui observent la fille de Sheeran elle-même observer son père d’un regard indéchiffrable, prenaient enfin la dimension sentimentale qu’ils méritent. Scorsese cloue le cercueil du film de mafia sans flamboyance mais avec une émotivité qui crève littéralement le cœur.

De Martin Scorsese. Avec Robert De Niro, Al Pacino, Joe Pesci. États-Unis. 3h29. Disponible sur Netfix

3Etoiles

 

 

 

 

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