À COUTEAUX TIRÉS : chronique

27-11-2019 - 11:09 - Par

À COUTEAUX TIRÉS : chronique

Invoquant avec brio l’esprit d’Agatha Christie, Rian Johnson dissimule une allégorie politique derrière un whodunnit d’une diabolique précision.

 

« Le mec vivait quasiment dans un jeu de Cluedo ! » « Le mec », c’est Harlan Thrombey (Christopher Plummer), célèbre auteur de romans policiers, retrouvé mort dans son manoir. La police et un détective privé (Daniel Craig) se lancent sur la piste du coupable… Pas de doute, À COUTEAUX TIRÉS ne cache pas sa nature de whodunnit, ce genre où un enquêteur omniscient et clairvoyant cherche à démêler les fils d’une intrigue retorse et savoir ‘qui l’a fait?’, qui a commis un crime. Tout le plaisir suscité par le film découle au départ de la manière avec laquelle Rian Johnson aborde le genre. À savoir, comme il l’a toujours fait (cf BRICK) : avec appétit, sans servilité ni goguenardise. Ici, cela donne au film des qualités de grand spectacle premier degré. Rares sont les projets contemporains devant lesquels le spectateur ressent le besoin immédiat de se caler au fond du siège, d’ouvrir grand les yeux et les oreilles, pour profiter au maximum de la verve, qu’elle soit laid-back ou nerveuse, déployée à l’écran. Daniel Craig, Christopher Plummer, Ana de Armas, Toni Collette, Chris Evans, Jamie Lee Curtis, Katherine Langford, Michael Shannon, Don Johnson, Lakeith Stanfield, Jaeden Martell : Rian Johnson réunit un casting de stars aussi impressionnant que cohérent et donne à chacun l’occasion de briller. Verbalement d’une grande tonicité avec ses répliques vachardes, l’écriture joue, dans sa construction, sur les archétypes sociétaux (Martell incarne un jeune troll d’Internet / Langford une prétendue social justice warrior, pour ne citer que les plus contemporains). De quoi mener À COUTEAUX TIRÉS vers l’inévitable jeu de massacre, qui évite toutefois d’apparaître rebattu grâce à la vivacité avec laquelle chaque interprète insuffle vie et caractère à son personnage. Des surprises, À COUTEAUX TIRÉS en réserve, notamment au beau milieu de son récit, lorsqu’il mue subitement en un autre film, plus thriller que whodunnit, où les masques tombent, les coups bas pleuvent et où l’humour, s’il en reste, se fait davantage politesse du désespoir qu’hilarité macabre. Un revirement, parmi d’autres, que Johnson négocie avec finesse, notamment parce qu’il envoie À COUTEAUX TIRÉS sur des territoires insoupçonnés au départ. La théâtralité initiale, qui jouait sur l’aspect hors du temps du cinéma de Johnson (tout comme c’était le cas avec BRICK et UNE ARNAQUE PRESQUE PARFAITE), s’ouvre alors sur une allégorie sociopolitique furieusement contemporaine, sur le racisme, le retrait nationaliste, la classe et le privilège. De quoi assurer, en plus du spectacle, de la substance.

De Rian Johnson. Avec Ana de Armas, Daniel Craig, Chris Evans. États-Unis. 2h11. Sortie le 27 novembre

4Etoiles

 

 

 

 

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