BROOKLYN AFFAIRS : Entretien avec Daniel Pemberton

03-12-2019 - 10:03 - Par

BROOKLYN AFFAIRS : Entretien avec Daniel Pemberton

Le compositeur anglais explore sa partition pour le film d’Edward Norton, nouvel exemple de son goût affirmé pour l’expérimentation.

 

Cet entretien a été au préalable publié dans le magazine Cinemateaser n°89, daté novembre 2019

 

En huit ans, il s’est imposé comme le compositeur le plus important de sa génération, fort de scores idiosyncrasiques, innovants et audacieux. Après avoir déjà brillé en 2019 sur YESTERDAY et la série DARK CRYSTAL, il livre pour BROOKLYN AFFAIRS une de ses partitions les plus complexes, mêlant expérimentations jazz, mélodies et boucles de sons. Un travail d’orfèvre qui, de l’aveu d’Edward Norton, relie tous les éléments du film « comme de la poudre de fées ». Daniel Pemberton nous en livre les clés, de ses inspira- tions à ses intentions, puis prend du recul pour explorer son évolution depuis ses débuts.

 

Edward Norton nous a dit avoir mentionné le score des CHARIOTS DE FEU à votre première rencontre. Vous lui auriez répondu avoir acheté le synthé de Vangelis…
Oui.

Il a ‘imprimé la légende’ ou…
Oui, c’est un peu ça : en fait, j’ai acheté le même synthé que Vangelis, mais pas LE synthé de Vangelis. (Rires.) Ed a également rapporté l’anecdote dans le livret du disque de la bande originale, histoire de maintenir la légende vivante ! J’ai rencontré Edward le jour où j’ai fini d’enregistrer le score de SPIDER-MAN : NEW GENERATION. J’ai eu ses messages disant qu’il voulait me voir, qu’il aimait ma musique pour TOUT L’ARGENT DU MONDE – ça a attiré mon attention car ça fait partie de ces films qui n’ont pas vraiment été remarqués. A priori, je ne comptais pas faire BROOKLYN AFFAIRS car vraiment, j’étais épuisé, ça faisait des mois que je composais non stop. Proposer à un compositeur un nouveau projet une heure après qu’il a fini d’enregistrer le score le plus complexe qu’il ait jamais fait, ce n’est vraiment pas un bon timing ! (Rires.) Mais je suis quand même allé le rencontrer. Il était minuit ou 1h du matin, j’avais mes partitions de SPIDER-MAN sous le bras… On a discuté et il a mentionné LES CHARIOTS DE FEU. Ça m’a plu car j’adore ce score – pour moi l’un des meilleurs de tous les temps. Dans cette partition, il y a tout ce que j’ai toujours souhaité accomplir en tant que compositeur. Elle est devenue clichée ou ringarde aux yeux des gens, alors qu’elle est brillante. C’est un film d’époque qui, s’il avait été accompagné d’une musique orchestrale traditionnelle, aurait été vite rangé dans une boîte puis oublié comme des dizaines d’autres. Mais comme ils ont approché les choses différemment, avec une musique moderne à base de synthétiseurs, ça a transformé le film. Pour moi, le cinéma devrait toujours nous pousser à renouveler notre regard et c’est ce qu’a fait LES CHARIOTS DE FEU : depuis, vous ne pouvez plus voir des gens courir au ralenti sans y penser. Après, Edward a raison : admettre qu’on aime LES CHARIOTS DE FEU n’est pas cool. Les réalisateurs préfèrent vous dire qu’ils aimeraient un score à la… Jonny Greenwood ! (Rires.) Qu’il mentionne LES CHARIOTS DE FEU m’a tout de suite fait penser qu’il était très intelligent et ne lorgnait pas sur ‘le truc à la mode’.

Vous vous êtes aussi dit qu’il recherchait un score hybride ?
Oui. Pour moi, c’est toute l’audace du score des CHARIOTS DE FEU. Cette partition joue avec l’idée de cinéma, en un sens. Il y a tant de clichés au cinéma et, aujourd’hui en particulier, on a la sensation que l’on nous réchauffe des plats qu’on a déjà goûtés. C’est très compliqué de créer quelque chose de nouveau. BROOKLYN AFFAIRS est un film noir. En prenant un des éléments du genre pour l’aborder différemment, en l’occurrence la musique, tout en restant conscient de l’époque du récit et du genre dans lequel il évolue, je pensais pouvoir créer un score singulier.

Edward voulait un score jazz et orchestral d’un côté et un son proche d’une chanson de Radiohead de l’autre. Comment avez-vous abordé ce style si particulier qu’est le jazz ?
Comme le jazz tient une place importante dans le récit-même, il m’apparaissait évident de l’utiliser comme élément du score. Je ne voulais pas y couper. Mais comment éviter que ce ne soit qu’un score jazz de plus ? Pour ça, j’ai cherché à me saisir du son et de l’instrumentation du jazz pour essayer de l’utiliser comme ma palette de travail. Et voir ensuite
si je parvenais à l’aborder d’une manière plus moderne. Ce que j’ai toujours aimé, notamment dans le jazz qui tire vers l’abstrait, c’est son caractère intangible. On a l’impression que les musiciens peignent avec énormément de couleurs. On perd toute prise sur certains éléments – par exemple, les mélodies sont tordues, déséquilibrées. Le jazz n’est pas du tout comme la pop, qui vous offre des idées très solides et simples dans un laps de temps très court. Le jazz s’apparente à une aventure, à une exploration du son. C’est ça que je voulais insuffler dans ce score. Je souhaitais peindre avec ma musique, essayer de créer un son très riche.

Vos scores pour LE ROI ARTHUR ou SPIDER-MAN étaient déjà dans cet esprit d’exploration. Même YESTERDAY, où vous vous étiez mis dans ‘l’état d’esprit Beatles’, à savoir l’expérimentation. C’est votre fonctionnement…
Oui, c’est vrai. Dans quasiment tout ce que je fais, j’essaie d’aller vers des approches différentes parce que je réfléchis constamment à ce que je ressentirais si j’étais assis dans une salle de cinéma, à regarder tel film. Vous savez, le jazz n’est qu’une étiquette qu’on colle à un type de musique. C’est comme le concept du punk. Être punk ce n’est pas porter une veste en cuir et une iroquoise ; c’est faire ce qu’on a envie de faire et dire merde au reste du monde. Pour moi, être jazz c’est être libre, n’être restreint par aucune structure conventionnelle dans la composition.

Ici, vous avez notamment collaboré avec un saxophoniste spécialiste de respiration circulaire… Pouvez-vous nous parler des expérimentations conduites pour BROOKLYN AFFAIRS ?

Je n’ai pas eu énormément de temps pour travailler ce score. Donc ma première interrogation a été : ‘Comment aborder ce film différemment ?’ Je suis un grand fan de Colin Stetson (musicien, compositeur et saxophoniste américain, grand spécialiste de la respiration circulaire, technique où le musicien souffle par la bouche et respire par le nez en même temps, permettant de tenir une note à l’infini, ndlr). Je l’ai vu en live il y a un an et demi environ et ça m’a inspiré pour BROOKLYN AFFAIRS. J’adore son score pour HÉRÉDITÉ car il y utilise son instrument d’une manière audacieuse et stimulante. Avant même qu’Edward me contacte, le travail de Stetson m’avait donc remis sur la voie du saxophone. Après avoir enquêté autour de moi, j’ai trouvé un saxophoniste à Londres, Tom Challenger, un musicien d’avant-garde. On a discuté de ce qu’on pouvait faire avec le saxophone qui ne soit pas ordinaire. Il m’a montré quelques techniques et j’ai essayé de voir comment les utiliser musicalement dans le film – pas mal de choses avec des harmoniques et des rythmes. J’ai beaucoup aimé expérimenter avec lui, Tom est brillant et inspirant. À partir de là, j’ai commencé à composer pour ces idées ou autour de ces idées. Je les ai intégrées dans des boucles électroniques, j’ai manipulé les sons. Puis par-dessus tout ça j’ai apporté un élément plus traditionnel – à savoir de la pure composition musicale. Je suis parti de choses qu’on avait faites ensemble ; je lui composais des choses à jouer ; je samplais nos expérimentations pour les retravailler. C’était un constant ping-pong. Il y a des motifs du score où on peut entendre un groupe batterie / basse / saxophone / trompette jouer en live mais derrière, ça a pu être manipulé ou mis en boucle, des sections de saxo ont pu être transformées via des samples complexes etc. Le but était d’expérimenter aussi bien dans le processus électronique que dans les parties jouées live.

Il y a donc du jazz, des boucles de sons, du piano… Vous ne vous êtes fixé aucune limite ?
Si, j’essaie toujours d’en instaurer. Ici, je me suis limité à des instruments qui existaient à l’époque du récit. Tout ce qui sonne électronique a entièrement été créé à partir d’instruments existants dans les années 1950. Il n’y a pas de synthétiseurs.

Vous avez fait les boucles en analogique ?
Non, j’ai utilisé un processus numérique. Mais elles sont toutes faites à partir de sons de saxophone, de batterie etc. Chaque son de ce score aurait pu exister dans les années 1950. En revanche, le processus utilisé sur ces sons est, lui, moderne. Il y avait donc des limites. Je ne voulais pas aller trop dans l’orchestral… Divers éléments caractérisent ce score. Il y a la nervosité de Lionel – son cerveau prend le contrôle, part dans tous les sens, et ça fait partie de sa personnalité. La nature ‘offbeat’ du jazz m’a aidé à capturer cet aspect du personnage, sa manière d’être toujours en mouvement. J’ai donc essayé d’écrire des lignes de batterie qui ne se concluent jamais, elles aussi perpétuellement en mouvement. Il y a donc toute une partie du score qui, comme le film, voit le monde à travers les yeux de Lionel. Puis il y a d’autres parties où il parvient à se calmer et où la musique devient plus mélodique et constituée d’éléments plus traditionnels. C’est le cas lorsqu’il voit Laura : il s’agit, de manière plus quintessentielle, d’une mélodie. Et tant mieux parce que je ne voulais pas que le score soit en permanence ‘avant-garde et bruyant’ – c’était agréable d’écrire un thème mélodiquement solide pour Laura. Ou pour le thème-titre ‘Motherless Brooklyn’. Enfin, il y a la vue d’ensemble – à savoir l’ampleur de la corruption et du pouvoir de Moses Randolph. Là, j’ai utilisé des éléments orchestraux très amples pour donner une voix à New York et aux forces de l’ombre qui la dirigent.

Encore plus que d’habitude, votre musique est ici un outil narratif vital : elle propulse le récit, relie tout, insuffle énergie et atmosphère. Elle est PARTOUT. Comment avez-vous conceptualisé ça ? Quel type de discipline cela réclame-t-il ?
Je ne sais pas trop… Au bout de deux jours d’enregistrement, je pensais avoir tout fait foirer. En partie parce que j’essayais des choses sans vraiment savoir si elles fonction- neraient. Bien sûr, c’est toujours comme ça que je travaille mais… Je ne sais pas. J’avais la sensation de m’être planté. Puis tout a fini par prendre forme. J’aimerais prétendre avoir été très malin mais la vérité c’est que, pendant le processus, je doutais. Je commence souvent le travail sur un film en ayant une idée générale, une envie. Parfois le résultat final y ressemble. Parfois, il prend quelques détours. En tout cas, j’ai en tête une idée de comment je souhaite procéder, où la musique doit prendre les rênes ou se mettre en retrait. Dans ce processus, je suis aidé par les cinéastes, évidemment. Et Edward est un excellent réalisateur, il a été d’un grand soutien.

Vous êtes arrivé sur le projet une fois le film tourné et monté…

Oui. C’était intéressant car comme je vous l’ai déjà dit, j’aime m’impliquer très tôt sur un projet. Au premier visionnage j’ai pu remarquer les moments où la musique n’aidait pas le film. Et même si je n’aime pas le concept de musique temporaire – et mon score est très éloigné de celle qui avait été choisie –, elle peut parfois être utile pour voir l’effet que la musique a sur un film, pour comprendre certains choix stylistiques, pour saisir l’état d’esprit et les goûts d’un réalisateur.

Débuter le travail sur BROOKLYN AFFAIRS à l’étape du scénario aurait pu vous rendre fou ?
Complètement ! (Rires.) Ed est très intense. J’ai adoré travailler avec lui, il est brillant. Je ne crois pas avoir jamais collaboré avec un cinéaste aussi intensément curieux de chaque aspect de la composition.

Il vous a trouvé intense aussi. Pour lui vous êtes une figure protéiforme : comme un savant fou dans votre studio et totalement en contrôle à Abbey Road… Vous êtes conscient de cette dualité ?
Le travail dans mon studio et l’enregistrement à Abbey Road sont deux disciplines très différentes. Vous savez, tout le monde veut venir chez moi mais je leur dis qu’ils feraient mieux d’éviter parce que c’est le bordel ! (Rires.) Je préfère passer mon temps à fignoler ma musique qu’à ranger. (Rires.) Ça ajoute à cette vibe de savant fou, j’imagine. Mais travailler chez moi me permet de modifier les choses très rapidement, de réécrire si besoin etc. En revanche, une fois dans un grand studio d’enregistrement avec des musiciens, même si j’essaie d’établir une situation où je peux expérimenter et modifier un élément sur le pouce, ça reste une discipline différente où, effectivement, je dois être en total contrôle – du budget, du temps alloué avec l’orchestre etc. C’est un peu comme la différence entre un artiste de storyboard et un réalisateur sur un plateau. Quand je compose chez moi, je suis au storyboard, je peux avoir n’importe quelle idée et la travailler. Une fois sur le plateau, un réalisateur ne peut pas dire ‘finalement, je ne veux pas filmer ça sur le toit d’un gratte-ciel mais au sommet d’une montagne’. C’est la même chose pour moi en studio : je dois tout faire pour que ça fonctionne. Mais si je décide quand même que je préfère tourner au sommet d’une montagne, c’est à moi d’être rapide et de trouver une solution – ‘mettez-moi un fond vert et on va tout faire pour que ça marche’. En studio, il y a énormément de pression. Surtout que, dans ma tête, je sais ce que mes scores doivent être. Mais peut-être que personne d’autre ne saisit. Ça ajoute de la pression.

Le personnage de Michael K. Williams qualifie la musique ‘d’affliction cérébrale’. Je me demande si ce que Lionel vit dans le film avec les mots, vous ne le vivez pas un peu avec les notes… Vous vous êtes identifié à lui ?
En tout cas, je comprends ce qu’il ressent – avoir quelque chose en tête et chercher à dérouler le fil. Parfois je me réveille le matin avec des airs… C’était un cauchemar lorsque je bossais sur DARK CRYSTAL, c’était trop intense. J’ai toutes ces satanées mélodies en tête et quand je vais me coucher, ça me rend dingue. Je dois juste les sortir de là. Finir un film et écouter la musique une dernière fois est une bonne conclusion, un bon moyen de les laisser enfin s’échapper.

En un sens, lorsque vous finalisez le disque d’un score, c’est une libération ? Et lorsque l’un de vos scores n’est pas publié, c’est frustrant ?
Très frustrant car pour moi, le disque est aussi important que le film. BROOKLYN AFFAIRS est merveilleusement mixé et c’est une des choses que j’aime dans ce film : on y entend vraiment la musique. C’est de plus en plus rare. J’ai la sensation qu’aujourd’hui, le public ne ressent pas nécessairement tout l’impact émotionnel que la musique peut apporter parce qu’elle est enterrée sous des couches d’effets sonores. Je n’ai aucun problème avec les effets sonores – ils ont un impact émotionnel, eux aussi. Mais quand on a des effets en continu, sans aucune place pour respirer, c’est frustrant. Un disque permet de pallier ça et d’écouter ce que j’ai essayé de faire.

Vous mentionniez la série DARK CRYSTAL, pour laquelle vous avez fourni énormément de musique. Qu’avez-vous appris en accomplissant une tâche aussi énorme ?
J’ai débuté ma carrière à la télévision. Sur DARK CRYSTAL j’ai dû réfléchir très précisément aux ressources auxquelles j’avais accès, et ce comme je n’avais pas eu à le faire depuis très longtemps. Nous n’avions pas les mêmes ressources que sur un film. Lorsque nous avons débuté le travail, il devait y avoir 20 minutes de musique par épisode et elle ne devait pas être orchestrale. Au final, dans le premier épisode de 57 minutes, il y a 56 minutes de musique. La difficulté a donc été d’établir un système de travail efficace permettant de délivrer suffisamment de musique en très peu de temps. C’était un projet très complexe mais j’en suis très fier au final. Au départ, je ne voulais pas m’engager car je me rendais compte de l’ampleur de la tâche. Puis ils m’ont fait venir sur le plateau et j’ai trouvé ça formidable, ça ne ressemblait à aucun autre projet. Et tout le monde était si passionné…

C’est à cause de l’ampleur de la tâche que vous avez décidé de collaborer avec un autre compositeur, Samuel Sim ?
Oui. Samuel a composé beaucoup de très belles choses à la télé alors je l’ai invité à me joindre et à fournir tout un tas de matériau pour la série.

Cela fait 8 ans que vous composez pour le cinéma et vous avez accompli énormément dans ce laps de temps. Avez-vous du recul sur votre évolution ?
Déjà, je suis fier de la plupart de mes scores. Certains auraient pu être meilleurs mais… J’aime le fait que, si certains sont un peu classiques, la plupart sont assez originaux. Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir faire ça. J’espère continuer à composer éternellement mais… c’est épuisant ! (Rires.) Si je faisais à chaque film ce que j’ai fait sur le précédent, ce serait tellement plus facile ! Je me suis compliqué la tâche, en un sens… Parfois je suis perplexe d’avoir accompli tout ça. Beaucoup de musiques de films n’ont pas de point de vue. Car je crois qu’il y a une certaine structure dans la confection même du cinéma qui, souvent, peut empêcher les compositeurs d’avoir un point de vue. Il faut donc avoir du caractère et/ou travailler avec des cinéastes qui en ont. Sur ce point j’ai été très chanceux car j’ai collaboré dès le départ avec des cinéastes qui ont permis à ma musique d’avoir un point de vue. Du coup, les gens qui m’engagent le font – en tout cas je l’espère – parce qu’ils cherchent un compositeur qui a un point de vue. De mon côté, j’essaie de m’impliquer sur des projets auxquels je peux apporter quelque chose de moi-même. J’essaie de ne pas signer pour des suites par exemple – bon, j’ai fait OCEAN’S 8 mais ça ne compte pas ! (Rires.) Oui, je suis assez fier de ce que j’ai pu accomplir. En fait, je suis même surpris. Peut-être que j’aurais aimé que certains de mes films aient plus de succès. Mais en fait non, ça m’est égal.

Vous avez débuté avec des albums électro. Vous ne songez jamais à faire à nouveau des disques solos, comme Hildur Guðnadóttir ou Max Richter ?
En fait, chaque film me permet de faire un disque solo dans un style différent. Bien sûr je travaille dans un cadre précis – le film – et avec ce que ce cadre requiert. Mais en réalité, tout ce que je fais c’est bricoler mes trucs. Si je peux continuer comme ça, tant mieux. En revanche, si mon travail se limite un jour à combler les blancs alors oui, je ferai des disques solos. Après vous savez, un score comme celui du ROI ARTHUR ne serait pas né sans le film. Pourtant, c’est une partition artistique, qui vient entièrement de moi… Les compositeurs de musiques de films ne sont pas vraiment considérés comme des artistes à part entière. D’un côté c’est agaçant mais de l’autre, c’est une bonne chose parce que du coup, je peux bosser dans mon coin en toute discrétion.

Est-ce que ce cadre qu’est le film ne vous rend justement pas entièrement libre de tout faire et de tout tenter dans ses limites ?
Si, en effet. Si j’étais un artiste solo, je serais constamment en train de me demander ce que j’essaie de dire. Or, il y a tellement de choses que j’ai envie de faire que je finirais par ne plus rien dire. Alors qu’à travers un film, je peux canaliser tout ça et m’essayer à des tas de styles, de sons. Et puis j’ai des ressources incroyables à ma disposition, que j’essaie d’utiliser judicieusement.

Y a-t-il des choses que vous voudriez faire ? D’autres que vous ne voulez plus faire ?
Je suis parti en vacances en Grèce récemment. Le paysage était incroyable, avec une ampleur folle. Et je me suis dit : ‘Où sont passés les films à paysages amples ? Ceux illustrés par des scores de John Barry ?’ J’aimerais beaucoup faire un score énorme, totalement orchestral, où je ne ferais pas ‘l’idiot’ à expérimenter dans tous les sens. Quelque chose de très mélodique. Mes compétences orchestrales ne sont pas nécessairement les meilleures mais je sais que je peux composer des mélodies correctes. Sinon, qu’est-ce que j’aimerais faire d’autre ? Un score très électronique, tout en synthés. Celui sur lequel je travaille actuellement (BIRDS OF PREY, production DC centrée sur Harley Quinn, ndlr)s’est révélé plus électronique que je ne l’envisageais au départ, avec pas mal de sons au Roland 303, quelque chose d’un peu acid house. Mais j’aimerais carrément faire un score au synthétiseur.

Des concerts ?
Ce serait tellement compliqué ! Mes scores ne sont pas entièrement orchestraux et sont tous tellement différents… La simple idée de les réorganiser pour le live m’angoisse. Peut-être quand j’aurai 80 ans ! (Rires.)

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La musique de BROOKLYN AFFAIRS par Daniel Pemberton est disponible en CD et en numérique, ainsi que sur les plateformes de streaming légal.

BROOKLYN AFFAIRS, en salles le 4 décembre
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