STAR WARS – L’ASCENSION DE SKYWALKER : chronique

18-12-2019 - 00:04 - Par

STAR WARS – L’ASCENSION DE SKYWALKER : chronique

L’ASCENSION DE SKYWALKER n’a sans doute pas l’évidence du RÉVEIL DE LA FORCE, ni l’audace des DERNIERS JEDI. Mais, en dépit de ses inélégants appels du pied à certains fans, il s’impose grâce à sa dramaturgie et aux émotions qu’elle engendre.

 

« Si cette mission échoue, tout aura été en vain. Tout ce qu’on aura fait depuis tout ce temps. » Cette réplique de Poe Dameron dans L’ASCENSION DE SKYWALKER pourrait-elle être l’indicepostmodernede l’inquiétude de J.J. Abrams, mais aussi des fans de STAR WARS ? Si L’ASCENSION DE SKYWALKER n’était pas à la hauteur, cela condamnerait-il la saga entière à l’oubli ? Ces neuf films auront-ils existé en vain ? Stoppons immédiatement le mélodrame : non. Pourtant, pour J.J. Abrams, la peur doit être grande : passé des débuts de scénariste plus ou moins remarqués (dont À PROPOS D’HENRY ou ARMAGEDDON), il s’est fait un nom en débutant des aventures. Rarement en les concluant. Alors peut-être peut-on voir la présence ici de Keri Russell, héroïne de sa première série FELICITY, comme une sorte d’amulette– après tout, FELICITY, au contraire d’ALIAS ou STAR TREK par exemple, reste celui de ses travaux qu’il a le moins délaissé en cours de route. Conclure la trilogie qu’il avait lancée avec LE RÉVEIL DE LA FORCE, mettre un point final au destin de nouveaux héros qu’il a créés : une tâche nouvelle pour lui et d’autant plus intimidante qu’il doit, par là-même, conclure la saga Skywalker débutée en 1977 et composer avec ce que Rian Johnson a institué dans LES DERNIERS JEDI.

À ce titre, beaucoup des scories de L’ASCENSION DE SKYWALKER viennent de cette confrontation tacite entre les pistes créées par Abrams et la manière dont Johnson les a explorées. Ainsi, ce neuvième épisode choisit, sans raison, de manière inexplicable et inélégante, de mettre de côté le formidable personnage de Rose pour la réduire au rang d’apparition. De la même manière, une vanne perfide vient rappeler la manière dont un Jedi devrait traiter son arme – digression méta aussi ratée que le moment des DERNIERS JEDI auquel il répond, à l’énorme différence qu’ici, cela ne sert ni le récit ni la caractérisation. Des détails peut-être, mais qui prennent des proportions démesurées sous la forme d’attaques puériles, à la limite de l’insultant, à l’égard de Rian Johnson. Appuyés par d’autres choix narratifs plus importants, ils pourraient faire croire que L’ASCENSION DE SKYWALKER dédit LES DERNIERS JEDI. En effet, le film de J.J. Abrams apparaît étrangement putassier quand il fait de l’œil aux quelques spectateurs horrifiés par LES DERNIERS JEDI. Des choix qui irritent d’autant plus qu’ils ne sont en fait que cosmétiques et superficiels, très visibles mais peu sincères – contrairement à ceux du RÉVEIL DE LA FORCE – cherchant uniquement à donner le change à une poignée de spectateurs. Alors que, dans le même temps, L’ASCENSION DE SKYWALKER est hanté, terrifié, par l’idée même de totalitarisme et répond au climat sociopolitique actuel en étant, dans sa nature profonde et de manière plus subtile, un appel au progressisme et à la résilience, s’affirmant comme une continuation logique des EPISODE VII et VIII.

LE RÉVEIL DE LA FORCE avait créé une génération de héros et de vilains définis par les erreurs répétées et répétitives de leurs aînés, cherchant leur place dans l’univers – textuel et méta-textuel – et, ce faisant, rejouait tout un imaginaire visuel et narratif emprunté à la première trilogie, afin de le transmettre. LES DERNIERS JEDI, parce qu’il était un second acte, confrontait les personnages à la place qu’ils croyaient s’être trouvé et la saga à elle-même. Pour ce faire, il inventait un STAR WARS retors, parfois amer et désespéré, inédit visuellement, et aidait les héros à regarder vers le futur, sans jamais oublier ce qu’ils doivent au passé – la Force, ses légendes, et leur indéniable pouvoir d’évocation. L’ASCENSION DE SKYWALKER, lui, fait la synthèse de ces démarches et, très beau geste de cinéma, rejoue quelques images iconisées par LE RÉVEIL DE LA FORCE et LES DERNIERS JEDI – Rey arpentant une épave, pour ne citer que cette image, la moins spoiler. Agent du ‘refaisage’ et d’un post-modernisme décomplexé, J.J. Abrams mène ici la postlogie à s’autociter, prouvant par ricochet qu’elle a sa propre identité, qu’elle a déjà créé sa propre imagerie, indépendamment de l’héritage avec lequel elle joue.

Armé d’un sens visuel indéniable et de sa capacité intacte à iconiser ce qu’il filme, J.J. Abrams vise juste quand il délaisse le spectacle à tout prix (une première heure un poil roborative et laborieuse), quand il cesse enfin d’essayer de réparer ce qui n’était pas cassé et se concentre sur l’essentiel : la dramaturgie. Le cœur battant de ce neuvième film et plus largement de cette troisième trilogie reste le duel des destins de Rey et Kylo – une nouvelle fois superbement interprétés par Daisy Ridley et Adam Driver, les plus belles et impressionnantes performances d’acteur de la saga STAR WARS, et de très loin. Chacune de leur scène élève le film. Ensemble, ils le mènent même vers des sommets d’émotion. Ensemble, ils rappellent que le passé importe finalement uniquement pour ce qu’il est : des blessures et des leçons. Ce qui nous précède nous façonne, nous marque au fer rouge, nous intimide, nous dirige ou nous emprisonne. Mais il ne tient qu’à chacun de choisir de le dépasser pour exister. Comme l’aura fait, en grande partie, cette troisième trilogie.

De J.J. Abrams. Avec Daisy Ridley, Adam Driver, Oscar Isaac, John Boyega. États-Unis. 2h21. Sortie le 18 décembre

 

 

 

 

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