LES FILLES DU DOCTEUR MARCH : chronique

31-12-2019 - 18:58 - Par

LES FILLES DU DOCTEUR MARCH : chronique

Greta Gerwig impressionne par l’intelligence de son écriture, la maîtrise de sa mise en scène, la pertinence de sa direction d’acteur et l’audace avec laquelle elle traite le féminisme. Elle a tous les talents, et beaucoup de coeur.

 

Vingt-cinq ans après l’adaptation très aimée des « Quatre filles du docteur March » par Gillian Armstrong, Greta Gerwig s’empare à nouveau du roman de Louisa May Alcott, parce que l’époque en a besoin. Le progrès féministe actuel a besoin d’être soutenu par des histoires d’époque, quand les femmes, dans un contexte plus dur que celui d’aujourd’hui, devaient résister face à un monde écrasé par le masculin. Dépeindre leur lutte fondamentale pour exister, c’est rappeler les bases du féminisme qui donnent ainsi de la sève aux combats modernes. Être une artiste libre, être contre le mariage comme finalité existentielle, être pour aussi, vouloir l’indépendance et l’amour, l’égalité et des enfants, gagner sa vie sans homme mais les aimer follement, voilà tous les défis que vont relever les sœurs March sur quelques années d’existence décisives. Greta Gerwig a éclaté la linéarité du roman pour mieux étayer l’évolution des sœurs March, enrichir leur portrait de parallèles, de comparaisons, rendre plus vivante leur vie, plus vibrante leur turpitude et parfois plus cruelle leur peine. La maladie de Beth (la révélation Eliza Scanlen), la plus fragile des sœurs, est traitée en deux temps racontés ensemble, et ce montage précisément – mais c’est souvent le cas dans le film – vous brise le cœur car il fait de l’âge adulte l’âge de tous les deuils. Deuil du premier amour, perte des êtres aimés, déroute des certitudes : c’est avec mélancolie, si ce n’est une tristesse profonde que Greta Gerwig voit grandir les March. Pourtant, elle filme, heureuse, leur accomplissement de femmes, d’artistes. Elle capture, envieuse et romantique, leurs histoires d’amour. Il y a peu de scènes aussi déchirantes que celle où Jo (Saoirse Ronan, née pour le rôle) va refuser l’amour de Laurie (Timothée Chalamet, plus sentimental que jamais) par fragile conviction. LES FILLES DU DOCTEUR MARCH embrasse le romanesque, n’a peur d’aucune grande émotion, ni même d’être post-moderne. Greta Gerwig filme des actrices flamboyantes, libérées par le dépoussiérage orchestré par leur réalisatrice. Entre elles, il y a de la magie, des joutes verbales enflammées, des regards et des disputes que seule une sororité sincère peut envisager. Chaque relation, que ce soit Jo et Bhaer (Louis Garrel), M. Laurence (Chris Cooper) et Beth, Tante March (Meryl Streep au carré) et Amy (la dynamite Florence Pugh) est ré-imaginée et réécrite avec une douceur et une délicatesse qui émeuvent au plus profond. Impossible de ne pas tomber amoureux du talent de Gerwig pour tricoter du sens et du sentiment à chaque scène comme si elle ne célébrait rien de moins que la richesse de la vie.

De Greta Gerwig. Avec Saoirse Renan, Florence Pugh, Laura Dern. États-Unis. 2h15. Sortie le 1er janvier

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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